Frozen Tears

Chapitre 44 : Affrontement

‒ Il est aisé de faire naître la glace dans un environnement froid et humide, et du feu dans un climat chaud et sec, déclara Lady Nakoma. Mais pour les maîtriser en dehors d'une zone de confort, cela demande plus de concentration et de pratique. Les pouvoirs sont plus faibles, c'est pourquoi il faut rivaliser avec soi-même pour contrer cet obstacle majeur.

Aspen, Eira, Andri, Calida et Majira se tenaient bien droits devant la générale, attentifs à son enseignement.

‒ Bien sûr, les mages de printemps et d'automne fonctionnent différemment, voilà pourquoi je leur ai donné des instructions et des exercices différents.

Elle marqua une pause, toisant ses troupes d'un regard sévère.

‒ Vous allez vous entraîner à faire surgir le feu ou la glace. Je ne vous donne pas plus d'indications. Eblouissez-moi.

Eira s'écarta de quelques pas et ferma les yeux, canalisant ses émotions en un seul point. La chaleur sèche et humide de Jayla n'allait pas l'aider. Une idée jaillit alors dans son esprit. Elle n'était pas réellement entourée de neige et de glace comme en Bylur, mais elle pouvait l'imaginer. Puisant dans sa concentration, la reine se représenta les collines enneigées d'Eriknus, les hauts sapins verts dont la cime se perdait dans le brouillard, les lacs gelés... Petit à petit, ces images devinrent plus vives dans son esprit et elle sentit presque la caresse du froid mordant sur sa peau dure de Fey. Elle rouvrit les yeux. Ses mains luisaient d'une lueur bleutée. Sans se perturber, elle fit jaillir une aiguille de glace du sol, centimètre par centimètre. Ses mains s'élèvent, et une structure cristalline commence à se former, s'élevant lentement du sol. Epuisée, elle s'arrêta lorsque la stèle lui arriva au-dessus du torse.

‒ C'est bien, commenta la générale.

Elle s'approcha, scrutant la sculpture d'un œil critique. D'un geste brusque, elle leva une jambe musclée et donna un puissant coup de pied dans la colonne. La glace se fractura sous l'impact, se fracturant en milliers de fragments qui retombèrent autour d'Eira. Déstabilisée, la reine n'esquissa pas un geste.

‒ Regardez, continua Lady Nakoma, ses yeux perçants fixés sur son élève. La glace que vous créez doit être plus solide qu'un roc. Une colonne comme celle-ci ne résistera pas aux assauts d'un ennemi déterminé. Dans un combat, puissance, vitesse et stratégie priment.

Essoufflée, Eira hocha la tête. Observant les débris à ses pieds, elle se jura de faire mieux.

‒ Pour construire solidement, reprit-elle, vous devez vous concentrer non seulement sur la forme extérieure, mais aussi sur la structure interne. Pensez à la glace comme à des couches entrelacées, chacune renforçant l'autre. Concentrez-vous sur l'équilibre et la densité. Utilisez votre volonté pour tisser la glace de manière à ce qu'elle devienne incassable.

Alors que la militaire lui tournait le dos, se dirigeant vers Calida, la jeune femme ferma les yeux, inspirant profondément. Elle leva à nouveau les mains, sentent le pouvoir glacé affluer en elle. Elle visualisa chaque couche de glace se formant, s'interconnectant, se renforçant mutuellement. Une nouvelle stèle émerge du sol, plus robuste, plus dense, plus foudroyante.

Mais ce n'était que le début. D'autres aiguilles gelées percent la terre, encerclant la générale, s'enroulant autour de sa taille pour l'empêcher de se mouvoir.

Lady Nakoma tourne la tête, et un sourire discret apparait sur son visage.

‒ Voilà qui est mieux. Vous avez su me prendre par surprise. C'est ainsi que vous devez créer. Avec force et précision. N'oubliez jamais que la véritable puissance vient de l'intérieur.

***

Un rayon bleu creusa un sillon de glace dans la prairie, projetant de la terre tout autour de la tranchée. Bondissant en avant, Eira lança une nouvelle attaque sur le chevalier armé d'une lourde armure qui lui faisait face. Son visage était dissimulé par un casque en métal.

L'épée parvint à dévier la salve meurtrière qui termina sa course dans le tronc d'un arbre.

Sans perdre un instant, la reine redoubla d'efforts, cherchant une faille dans la défense de son adversaire. Elle devait gagner. Elle devait faire ses preuves. Puisant dans sa magie, elle décocha plusieurs coups rapides. Mais son opposant les évita toutes avec habilité.

Essoufflée, elle songea devait élaborer une stratégie au lieu de frapper au hasard. Prenant une grande inspiration, les yeux mi-clos pour mieux visualiser son idée, Eira forma un orbe de glace qu'elle projeta sur le chevalier.

Ce dernier laissa échapper un ricanement étouffé. Mais au moment où il frappa la sphère du plat de sa lame, celle-ci explosa en un millier d'éclats de givre qui convergèrent vers lui, s'immisçant dans les interstices de son armure, ce qui le ralentit. Eira en profita pour geler les bottes de cuir du guerrier, l'empêchant de se mouvoir.

Ensuite, la jeune femme s'élança, agrippant la gorge du combattant. Malgré la cotte de mailles, elle aurait pu broyer la peau délicate avec son pouvoir.

A travers les fentes du casque, la souveraine vit les yeux noirs du chevalier briller de détermination.

‒ Tous ensemble, attaquons-la ! cria-t-il d'une voix stridente.

Des combattants en armure qui se tenaient en retrait se ruèrent pour l'aider. Eira fit un pas en arrière. Comment venir à bout d'autant d'assaillants ? C'était comme affronter une armée d'ombres mouvantes. Rectifiant sa posture, elle se mit en position de combat comme le lui avait appris Lady Nakoma. Mais au moment où elle s'apprêta à attaquer les ennemis qui chargeaient sur elle, un cri la stoppa net.

‒ Cela suffit ! Elle a gagné.

La reine tourna la tête vers la générale avec surprise.

‒ Dans un combat contre de simples soldats, ce que tu as fait est amplement suffisant, expliqua la militaire. Ils ne s'attendront pas à te voir manier la magie pour te battre.

Le chevalier cloué au sol retira son casque, découvrant le visage de Calida. Ses longs cheveux noirs étaient attachés à la va-vite. Ôtant ses gants, elle leva une main, et, paume vers le bas, elle entreprit de faire fondre la glace qui la maintenait immobilisée.

‒ Ha ! Bien joué ! s'exclama-t-elle.

Elle envoya une tape amicale dans le dos de la reine, qui lui sourit.

‒ Tu t'es bien défendue ! renchérit cette dernière.

‒ Mais, crois-moi sur parole, la prochaine fois, je te ferais mordre la poussière.