Chapitre 11 : Confessions

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‒ Un mariage ? Vous rigolez ? s'exclama Aspen. Je ne serais qu'une marionnette, vous m'emprisonnerez dans votre Palais de glace !

‒ Non, au contraire, vous partagerez mon pouvoir. Et je libérerai votre ami.

‒ Aspen, ne l'écoute pas ! cria Farrah. Elle cherche à t'embrouiller l'esprit ! Les gardes doivent déjà être en chemin !

Le jeune homme se mit à trembler de tous ses membres. Son sourire s'effaça. Devait-il accepter sa proposition ?  Il n'aurait pas d'autre occasion d'apaiser les tensions entre leurs deux peuples. Et si elle disait vrai, il ne pouvait risquer de voir les siens massacrés. C'était sa seule et unique chance. Mais il devrait épouser la reine des glaces, aussi froide et cruelle qu'elle était. Le visage innocent d'Althea lui revint en mémoire. Puis celui d'Akiva, de son fils Wattan, et celui de tous les habitants de Moonport. Il ne pouvait pas les trahir.

‒ J'accepte, dit-il prudemment.

Avec surprise, il vit la reine se relever, libérant Farrah. Ce dernier s'écarta brusquement comme si elle avait la maladie de la peau-bleue.

‒ Vous... vous avez respecté votre part du marché, bafouilla-t-il.

‒ Évidemment, s'écria Eira en haussant les épaules. Je ne sais pas ce qu'on vous raconte sur les Fey, mais nous ne dévorons pas les humains.

***

La souveraine de Bylur était assise sur la grève ; elle écrivait, poursuivant son poème laissé inachevé.

Une année encore s'est évaporée

Le temps s'ébranle mais je reste enchaînée dans le passé

De lourds flocons enveloppent mon corps d'un linceul

Mon cur déjà froid ne parvient plus à faire fondre ce drap veule

Elle s'arrêta à mi-chemin et posa sa plume en soupirant. Elle enfonça ses pieds dans le sable, savourant la sensation. Mille pensées fourmillaient dans son esprit agité. Qu'est-ce qu'il lui avait pris de présenter Aspen aux invités comme son fiancé ? Était-elle vraiment prête à épouser un humain ? De plus un rebelle ? Elle avait reçu ses ministres dans sa salle de conseil, tous lui recommandant d'avorter son plan et d'exécuter le brigand sur le champ ainsi que les habitants de son village.

Elle se rappela son regard glacial et son esprit se perdit au loin.

Il la haïssait pour une raison inconnue et voulait la tuer. Mais elle savait qu'il aimait ses compagnons plus que tout. Il aurait été prêt à accepter n'importe quoi pour sauver son ami et faire cesser les hostilités entre leurs peuples.

Elle ne s'était jamais sentie aussi seule. Si seulement elle aurait pu partir au loin et ne jamais revenir, découvrant chaque jour de nouveaux paysages verdoyants comme les héroïnes de ses romans, bien loin de cette maudite contrée gelée...

Un bruissement de tissu retentit derrière elle, suivi d'un bruit de pas légers. Eira tressaillit et se retourna vivement. Qui pouvait bien l'avoir suivie dans son sanctuaire secret ?

Elle aperçut d'abord l'éclat miroitant d'une robe, puis le visage pointu de la princesse Deidre. Elle était bien la dernière personne que la reine pensait voir.

‒ Puis-je m'asseoir, Votre Majesté ? dit doucement la jeune fille en désignant la place à côté d'elle.

‒ Mais ce serait un plaisir certain, Votre Altesse, répondit la souveraine.

‒ Tout l'honneur est pour moi, soyez-en assurée, souffla la princesse. Oh, et appelez-moi Deidre.

Eira sursauta. Est-ce qu'elle allait dévoiler ses escapades furtives à la Cour ? Les gardes l'empêcheraient alors de sortir, ou lui enverraient une escorte. Elle imagina la crique solitaire souillée par des dizaines et des dizaines de pas, le chant du vent marin troublé par les discussions et les bavardages. Et puis, pourquoi la princesse désirait-elle qu'elle l'appelle par son prénom ? Était-ce une coutume de son pays ? Un piège pour l'aborder et désamorcer les défenses qu'elle avait érigé autour d'elle comme une forteresse ?

Frozen TearsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant