Frozen Tears

Chapitre 48 : Essoufflement

Le regard perçant de l'ancienne chasseuse de primes cloua la reine sur place.

‒ Vous êtes perspicace, Dame Eira, déclara-t-elle.

La bête, où plutôt Majira, poussa un long grondement, le museau levé vers le ciel.

‒ Il faut l'abattre, nous n'avons pas le choix, affirma Aspen en dégainant son glaive. Avant qu'il ne dévore l'un d'entre nous.

‒ C'est hors de question ! cria Calida. Vous ne comprenez pas...

Sa voix se brisa.

‒ Il a été mordu lors de notre première mission, leur avoua-t-elle. Mon frère s'est battu contre une créature pour me défendre...

Son timbre mêlait désespoir et colère, comme si elle jonglait entre ces deux émotions.

‒ Alors je vous en conjure, ne le blessez pas ! Il ne s'en est jamais pris à quiconque lors de ses transformations. En général, la nuit tombée, il s'éloigne dans les bois pour chasser...

‒ Je n'ai pas l'impression que le navire ressemble à une forêt, lança le brigand d'un ton sarcastique.

‒ Nous pourrions l'enfermer dans la cale ! s'écria vainement Calida. Lui donner nos provisions de viande ! Ou même l'emprisonner avec nos pouvoirs !

Mais le lycanthrope lui échappa, et il se précipita vers le groupe le plus proche. Ses mâchoires claquèrent entre Andri et Blaiz. Par miracle, ils lui échappèrent en s'écartant de justesse. Mais le petit mousse, les yeux agrandis de terreur, trébucha sur le pont. Aspen se précipita, arme en main. Ils ne pouvaient pas se permettre de perdre un seul membre de l'escadron. Maveth le devança. Les mains levées en signe d'apaisement, elle s'avança vers la bête, qui s'était figée.

‒ Là, là. Ça va aller, Majira. Je suis là. Essaie de reprendre le contrôle.

Le souffle coupé, Aspen regarda la courageuse jeune femme se rapprocher de la créature. Les yeux jaunes semblaient animés d'une lueur de reconnaissance. Doucement, elle lui caressa le museau. Elle tressaillit quand une langue râpeuse la lécha, puis éclata de rire. La tension se relâcha.

Puis ses mains s'illuminèrent d'un faisceau noir, et le lycanthrope se mit à trembler. Ses membres se tordirent dans des angles improbables. Calida poussa un cri. Mais Majira reprenait petit à petit forme humaine, et retomba inerte sur le bois du pont. Maveth recouvrit son corps nu de son châle parme.

‒ Comment as-tu osé, monstre ? Tu l'as tué ! hurla Calida en se jetant sur elle.

Jarek lui attrapa les bras et l'immobilisa.

‒ Non, je n'aurais jamais pu lui faire une chose pareille, murmura la navigatrice avec un sourire triste, ses tresses voletant dans l'air frais de la nuit. J'ai simplement réduit le poison qui le pousse à se transformer en lycanthrope.

Abasourdie, la chasseuse arrêta net de se débattre.

‒ Est-ce qu'il serait... guéri ?

Elle prononça ce dernier mot comme si elle n'osait y croire.

‒ Non ! J'ai essoufflé la magie noire qui coule dans ses veines. Un peu plus et j'aurais pu lui ôter la vie...

Le guérisseur lâcha enfin Calida et elle se précipita vers son frère. Elle secoua son épaule et ce dernier gémit, puis ouvrit les yeux.

‒ Ah, tu es en vie ! s'exclama-t-elle. Tu sais que si tu crèves, je récupère tout ton héritage ?

Majira soupira.

‒ Heureux également de te revoir.

Eira et Aspen prirent congé de leurs compagnons pour se rendre dans leur cabine, une petite pièce à l'arrière du navire. Elle s'assit sur le lit, vêtue d'une simple robe en lin, ses pieds nus touchant le sol en bois. Le jeune homme la rejoignit et la serra doucement dans ses bras. Il posa son menton dans le creux de son épaule. Le contact était réconfortant, presque électrique, une chaleur douce se diffusant entre eux.