Un visage était penché sur elle. Elle pouvait sentir un souffle chaud sur sa peau. Un léger parfum floral flottait dans l'air, chatouillant ses narines.
Eira ouvrit brusquement les yeux, mais les referma aussitôt, aveuglée par une lumière vive.
‒ Veuillez m'excuser, dit une voix féminine. Je vais éloigner la bougie.
La reine entendit l'inconnue se déplacer dans la pièce et bouger la chandelle. Piquée par la curiosité, elle se redressa en gémissant. Elle se trouvait dans une petite cabine où s'étalaient divers instruments médicaux. Une collection de fioles toutes étiquetées et scellées d'un bouchon de liège étaient alignées sur une étagère. Eira baissa la tête. Elle était allongée sur une couchette d'angle, enfouie sous des couvertures propres, mais maintes fois raccommodées avec des tissus colorés. La femme revint vers elle d'un pas vif. Elle avait la peau mate et portait une robe à franges aussi rouge que ses lèvres. De larges anneaux dorés pendaient à ses oreilles, rayonnant à la lueur des bougies.
‒ Surtout, ne bougez pas, vous êtes très faible.
Eira réalisa alors que des bandages lui recouvraient le dos. Elle était vêtue seulement d'un linge de corps blanc qui n'était pas le sien.
‒ De l'eau, haleta la reine.
La femme lui tendit une outre en cuir et Eira la but avidement. Un filet d'eau coula sur son menton, et elle s'essuya du revers de la main.
‒ Merci beaucoup, euh...
‒ Je me nomme Rafaela, dit la femme avec l'accent du sud. Je suis guérisseuse à bord du Deuxième Chance.
Elle marqua une pause, l'étudiant avec une mine soucieuse.
‒ Est-ce que vous allez bien ? J'ai retiré les échardes de votre dos avec mon assistant.
Eira passa une main sur son visage.
‒ Enchanté, Rafaela. Je... euh...
Soudain, elle se rappela qu'elle avait vu un pavillon noir hissé sur le mat. Elle se rappela la tête de mort ailée sur le drapeau, et frissonna. Elle était tombée entre les mains de pirates !
La reine passa discrètement son environnement en revue, avant d'apercevoir un scalpel posé sur une table, entre un carnet de notes et un bouquet de fleurs médicinales séchées. Elle se jeta dessus et le tint devant elle, pointé en direction de la guérisseuse.
‒ Qu'est-ce que vous me voulez ? Pourquoi m'avoir soignée ? s'écria-t-elle.
Ahurie, Rafaela eut un mouvement de recul. Elle finit par se ressaisir, et, les mains sur les hanches, elle s'exclama avec malice :
‒ Est-ce là une façon de remercier vos sauveurs ?
Honteuse, Eira voulut baisser son arme improvisée, avant de se rendre compte qu'il s'agissait peut-être d'une ruse. Pourtant, la guérisseuse n'avait pas l'air si menaçante.
‒ Je vous rappelle que c'est vous qui nous avez appelés à l'aide après votre naufrage. Mais si vous n'êtes pas contente, nous pouvons toujours vous remettre à l'eau, Votre Majesté.
Rafaela plaqua une main devant sa bouche, effarée. Eira se figea.
‒ Co... Comment connaissez-vous ma véritable identité ? bafouilla-t-elle.
Peut-être que les avis de recherches étaient parvenus jusqu'au Deuxième Chance. C'était la seule réponse possible. Ils savaient sans doute qu'elle était recherchée. Et elle venait juste de se jeter en plein dans la gueule du Skuaar.
Elle n'osait pas envisager la possibilité qu'ils aiment également sauvé un de ses compagnons. De toute façon, pourquoi aurait-il révélé son rang aux pirates ?
‒ Répondez-moi, dit la reine, blanche comme un linge.
Sa main tremblait sur le couteau, et elle faillit le lâcher.
‒ Je crois qu'il est temps d'aller rendre une petite visite à notre capitaine, articula Rafaela.
Eira se leva, très droite, le dos raide, sans desserrer ses doigts de scalpel.
‒ Très bien, je vous suis, déclara-t-elle.
Les lèvres de Rafaela s'étirèrent en un sourire.
‒ Vous devriez vous habiller, d'abord.
La jeune femme baissa ses yeux sur son linge de corps et fit une moue embarrassée. La guérisseuse lui tendit sa robe délavée, sèche et reprisée. Le tissu était imprégné d'une odeur de sel, mais elle l'enfila avec joie, heureuse de se rattacher à un objet familier. Une fois le laçage du vêtement noué, elle enfila rapidement ses bottines qui l'attendaient au pied de son lit, et se dirigea à vive allure vers la porte. La semelle de ses chaussures était encore humide et craquait à chacun de ses pas.
Rafaela la devança et actionna la poignée.
‒ Après vous, Votre Majesté.
Eira inclina la tête dans sa direction et s'avança dans un couloir aux boiseries anciennes mal éclairé. Une rangée de portes gondolées s'étendait sur sa droite. La guérisseuse la conduisit tout au bout du corridor. Sur le chemin, elle croisa un homme à la peau brune qui la dévisagea du regard. La reine redressa alors la tête, tachant d'avoir l'avoir noble dans sa tenue défraîchie. Enfin, Rafaela toqua contre un battant, puis lui fit signe d'entrer. Eira pénétra à l'intérieur.
Un immense bureau occupait une grande partie de l'espace. Trois fauteuils étaient disposés en cercle. Un homme vêtu d'un manteau élimé lui sourit. Le deuxième, aux longs cheveux noirs et au visage long et fin, n'esquissa pas un mouvement. Elle remarqua qu'il portait un léger maquillage pailleté autour de ses yeux. Au centre était assise une jeune femme, ou plutôt une jeune fille aux cheveux blonds tressés de coquillages. Un bandana vert d'eau lui recouvrait le sommet du crâne. Une tortue émaillée pendait à son cou.
Avec surprise, la reine reconnut la femme.
‒ Vous... ici ! s'écria Eira.
VOUS LISEZ
Frozen Tears
FantasyLaissez-vous emporter par une réécriture de la reine des neiges dans la cour des Fey ! Dans le royaume gelé de Bylur, où la magie est interdite, les Fey règnent en maître. Froids et cruels, ils constituent la haute classe et dominent les humains. E...