L'avocat Du Diable II.

28. Alaë est morte.

Adan.

Sur le pallier, quelques minutes plus tard.

Je reste incapable de réagir.

Ma femme reste inconsiente, au pied de monsieur Stones. J'ai beau l'appeler, la secouer, ou essayer de l'attraper pour la réveiller, rien y fait, ses yeux restent clos.

— QU'EST-CE QUE VOUS AVEZ FAIT ?!

Ma voix se brise en même temps que mon coeur, déchiré par la vision de ma femme inerte, à même le sol. Je m'accroupis afin de la soulever. Ses muscles se relâchent entre les miens et ses bras balancent dans les airs, au rythme de mes pas lents et désespérés.

J'ai déjà perdu deux femmes dans ma vie, mais celle que je porte contre moi ne peut pas être morte. Elle a encore trop de choses à vivre, trop de batailles à gagner, trop de mystères à résoudre. Et mon coeur à réparer. Encore.

J'entends les pieds de Joshua Stones suivre les miens.

Et dire que si je n'avais pas envoyé baladé cet enfoiré il y a 10 minutes, ma femme serait encore en vie.

Mes larmes ne veulent pas couler, mon cerveau les retient de toutes ses forces, incapable de croire qu'Alaë n'est plus.

Mon poing tambourine à la porte de ma colocation. Bradley ne tarde pas à venir m'ouvrir, les sourcils froncés par l'incompréhension.

— T'es devenu amnésique ? T'as oublié le co...

Lorsque ses pupilles perplexes se posent sur sa princesse, son expression change du tout au tout pour laisser place à de la stupeur.

— Appelle ta médecin ! aboyé-je.

Il se précipite vers la table basse du salon pour récupérer son téléphone et faire ce que je lui ai demandé. Je le suis, afin de déposer ma petite Alaë confortablement, sur le canapé.

Elle ne bouge toujours pas d'un poil. Je brosse ses cheveux vers l'arrière, sans être capable de l'aider.

C'est toujours elle qui gère ce genre de situation, normalement.

Le bruit d'un éclat de verre me fait sortir de mes pensées. Le téléphone de mon colocataire s'écrase contre le mur de la salle de bain. Il le regarde, l'air ahuri. Ses iris trouvent ceux enragés de son paternel.

— C'est quoi ces conneries, Joachim ?! Depuis quand tu te fais appeler Bradley ?! Je t'ai donné une identité, du pouvoir, ma pro...

— Putain papa ! Tu vois pas que c'est pas le moment ?! l'arrête mon meilleur-ami, décontenancé.

Il accourt vers son smartphone, mais encore une fois, l'ancien l'en empêche en attrapant le tissu de sa chemise blanche. Il le tourne brutalement vers lui. Bradley est tellement pris au dépourvu qu'il en perd l'équilibre.

Les deux hommes commencent à se battre sous mes yeux. Leurs petites querelles n'ont pas d'importance pour moi. Je viens de perdre la deuxième femme de ma vie. La seule personne qui me permettait de garder la tête hors de l'eau. Ma bulle d'oxygène dans un aquarium sans fond. Celle pour qui je me bats, la seule que je voulais rendre fière. Celle que je devais libérer.

Elle s'est délivrée seule.

Elle n'a jamais eu besoin de moi comme j'avais besoin d'elle. Elle se débrouillait toujours elle-même, quand au contraire, je l'appelais à la rescousse à la moindre péripétie.

Je sens mes entrailles exploser en des milliers de petites pointes, rentrant dans ma peau les unes après les autres, pour me rappeler que sa perte ne me quittera jamais. Que son absence me sera insoutenable. Que mon existence n'a plus de sens.