34. Ma Mona Lisa

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Aragosta Dorata, 21h03.

Alaë.

Les rues de la ville sont calmes. Recroquevillée dans le fauteuil passager, je regarde les lumières des lampadaires défiler à toute allure, en silence. La jambe sautillante d'Adan me tend, le bruit de son smoking qui frotte contre le cuir sous le volant me donne envie de me jeter par la fenêtre. Ma mâchoire se serre, j'envoie un bruit de mécontentement sonore afin de lui montrer mon agacement évident. Il ne réagit pas.

Perdant patience, je pose ma main sur sa cuisse. Il sursaute et tourne vivement son buste puissant vers moi.

— Oui ? demande-t-il, insouciant.

— Arrête de gigoter.

Il souffle du nez avant d'accepter ma requête. Finalement, il s'engage dans la rue du restaurant de Dean. L'odeur de la mer me monte aux narines et me rappelle des souvenirs que je préfèrerais éradiquer de ma mémoire.

Lorsqu'il se gare, nous restons figés au fond de nos sièges, sans un mot, les pupilles rivés sur le rouli des vagues.

Adan met fin à ce calme insoutenable en sortant le premier de l'habitacle, le bruit sec de sa portière se refermant me fait battre des cils. Je le vois contourner le capot, puis trottiner jusqu'à ma porte afin de m'ouvrir.

— Madame Anderson, bourdonne-t-il sur un ton formel.

Je pose élégamment la pointe de mon escarpin sur le macadam rugueux, je sors de la voiture, le menton haut et l'air détaché. Il referme derrière moi. J'avance jusqu'aux marches en bois du restaurant, mais mon accompagnateur ne me suit pas.

Lorsque je lui fais face, il a la tête penchée dans son coffre et les mains enfouies dans un sac noir.

— Tu cherches quoi ? l'interrogé-je, les bras croisés sur ma poitrine.

Il se redresse brusquement. Dans la panique, il cogne l'arrière de son crâne à la paroi de métal suspendue au-dessus de ses épaules. Je pouffe de rire sans pouvoir me cacher, il me suit dans mon hilarité tout en frottant énergiquement sa bosse douloureuse.

— J... Je... Rien, bégaie-t-il. Je cherche rien.

Même à travers la pénombre de la nuit, je peux facilement remarquer sa gêne. Mon visage se crispe le temps d'une seconde, je n'ai ni la force, ni l'envie de lui faire un interrogatoire, alors je secoue docilement mon nez, comme si j'avais cru à son mensonge.

L'air frais me fait frissonner sur place. D'un geste presque majestueux, Dan ôte sa veste et l'enroule autour de mes bras couverts par mon chemisier.

— Quelle honte... grommelle-t-il en me détaillant de la tête aux pieds.

Son regard envieux sur moi me tord les boyaux et me donne envie de fondre en larmes, de me cacher dans un trou de souris, ou même de disparaître de la surface de la terre, malheureusement, tout ce que ma fierté me permet de faire, c'est garder le menton haut.

Je lève exagérément les yeux au ciel.

— Quoi encore ? pesté-je méchamment.

— Je n'ai même pas pris le temps de te dire à quel point tu es splendide, dans ce costume.

— Ah.

Mon ton sec et froid efface le grand sourire qui prône sur ses lèvres. Je reprends mon escalade en le laissant planté en bas des marches.

— Je vais me rattraper ! assure-t-il d'une voix si forte qu'elle parvient à couvrir les bourrasques de vent.

— Hm.

L'avocat Du Diable II.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant