1. Ne montre rien.

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Miami City Cemetery, 8h53.

Quelques jours plus tard.


Raide comme un piqué, toujours plantée au bout de ses pieds, je détaille une dernière fois ses paupières paisiblement closes. Il a pour seul cheveux un tatouage d'aigle qui remonte de ses omoplates jusqu'à l'avant de son front. Ses mains sont posées l'une sur l'autre sur le bas de son abdomen et laissent apparaître le symbole doré de ma famille, brodé sur la cravate de son élégant costume sombre.

Je suis censée me recueillir mais j'en suis incapable. Je ne connais pas cet homme. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire ?

J'inspire profondément pour ne montrer aucune émotion particulière. Cet inconnu s'est sacrifié pour moi, alors qu'il aurait pu me laisser au fond de cette cellule, et je n'arrive même pas à lui dire un mot. Je frotte mes mains gantées d'un chic cuir noir entre elles. Je n'ai pas froid, je suis simplement mal à l'aise.

Je redresse ma tête vers ses collègues, nos autres employés. Les yeux embués mais fiers d'Andrew m'arrachent le cœur de la poitrine. Je viens de lui prendre son collègue le plus proche, sans le moindre scrupule, et je n'ai même pas la décence de prononcer quelques phrases en sa mémoire. C'est plus fort que moi, je suis incapable de faire l'hypocrite en m'inventant une fausse complicité avec cet homme. 

Sa lèvre inférieure est tremblante et sur le point de saigner tellement il la mord fort pour ne pas craquer. Je me concentre à nouveau sur son coéquipier et contourne son cercueil en bois foncé afin d'atteindre son torse.

— Je le protégerai, promets-je sincèrement.

Voilà les seuls mots qui me sont venus à la bouche et je crois que c'est aussi ceux qu'il aimerait entendre. Je sais d'expérience que quand on part, la seule chose qui nous importe, c'est nos proches. Alors offrir ma protection à Andrew, est la meilleure dernière promesse que je peux lui faire.

Je laisse enfin la place à mon grand-père toujours aussi professionnel. Comme ses fils, ils ne laissent aucune émotion transparaître. J'essaye de faire la même chose mais c'est plus compliqué étant donné que s'il est entre ses quatre planches, c'est à cause de moi.

J'approche doucement de son frère d'arme, ainsi que de ses collègues pour leur présenter mes condoléances. Le regard d'Andrew fuit le mien, je ne crois pas que ça soit de la rancune. Je crois plutôt que c'est par dignité. Je ne suis plus qu'à quelques mètres de lui quand il serre les poings tout en redressant dignement son menton. 

Je me racle doucement la gorge pour prendre le temps de regarder chacun de ses huit confrères. Je les connais tous. En fait, pour une raison que j'ignore, il était le seul que je n'avais jamais rencontré.

— Toutes mes condoléances messieurs.

Ils acquiescent tous d'un brave mouvement de tête. Tous sauf Andrew qui fixe un point au hasard sur ma gauche. Je sais qu'il n'y a rien de spécial à cet endroit, c'est sa manière à lui de garder le contrôle. Je décide d'approcher un peu plus de lui et d'attraper doucement son coude semi-fléchi. Sa poitrine se soulève intensément tandis qu'il daigne enfin me regarder dans les yeux. 

Quand il expire, je resserre ma prise pour dire :

— Je suis sincèrement désolée, Andrew.

Il détourne rapidement son regard attristé avant de partir en trombe vers le chemin de gravier qui nous sépare du reste du cimetière. Je le regarde faire, impuissante, puis je jette un regard interrogateur à Edouard. Il est celui qui le connaît le mieux, alors quand il donne un coup de menton dans la direction de son employé, je comprends que je dois le suivre.

L'avocat Du Diable II.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant