quarante-sept

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quarante-sept.

jeudi vingt-sept juillet
deux mille vingt-trois.

C'est le visage fermé que Pierre et Louise posent un pied sur le paddock belge. C'est toujours une émotion particulière de revenir ici. Et le pilote est soulagé d'être accompagné de la jeune femme. Pendant quelques secondes, il se demande comment il aurait surmonté ce week-end sans elle. Et il s'aperçoit qu'elle a toujours fait le déplacement.

Cette année encore, elle a renoncé à l'étape de Sunderland pour être à ses côtés. La possibilité de cette impasse devait d'ailleurs être un argument supplémentaire pour être présente à Montréal. Le châtain esquisse un sourire à l'adresse de son accompagnatrice. Il comprend qu'elle a probablement tout prévu, et il est touché qu'elle ait pensé à s'organiser pour le soutenir pendant ces quatre jours.

Un drôle de sentiment court le long de sa colonne vertébrale. Un frisson qui n'est pas dû à la pluie battante qui s'écrase sur eux. Pierre a un flash. Quelques mois plus tôt, il lui disait qu'il avait besoin d'être seul. Et la triathlète avait accepté sa décision, respectant une promesse vieille de plusieurs années.

En vérité, il ne sait pas à quoi il pensait. La jalousie. La peur de ne pas y arriver et d'être un poids pour Louise qui, lancée dans une ascension fulgurante, ne faisait que s'épanouir et progresser. L'habitude et la facilité de croire qu'elle serait toujours à ses côtés, avec assez de force pour tout supporter.

Alors qu'elle avait fermé la porte, le normand avait cru à un désaveu. Elle ne l'aimait donc pas assez pour rester se battre pour eux. Mais en réalité, elle lui avait donné la plus belle des preuves d'amour. Et le vide laissé par la blonde lui avait permis de se rendre compte qu'il ne voulait qu'elle.

Aujourd'hui, il regrette terriblement d'avoir eu besoin de ce déclencheur pour entrevoir clairement un avenir qui se conjuguait avec elle à tous les temps. Il n'y avait pas un scénario duquel elle était absente. Et désormais, le manque a simplement laissé place à la honte. Celle d'avoir précipité leur chute pour prendre conscience de l'importance de sa présence. Alors, lorsqu'il a eu la chance de recroiser sa route à Noël, il s'est promis de tout mettre en œuvre pour se faire pardonner et réparer ce qu'il a brisé.

Louise le suit, sans un mot dans le paddock. Malgré le temps pluvieux, elle a adopté des lunettes de soleil à la monture épaisse. Sa capuche est rabattue sur sa tête, de façon à ce qu'on puisse à peine apercevoir son visage. Une cicatrice de plus que toute cette tempête médiatique a creusé dans sa chair.

C'est la première fois qu'elle réapparaît sur un Grand Prix, mais il lui était impossible de faire l'impasse sur cette étape du championnat du monde. Pour gagner en assurance, et surtout, pour assurer un total soutien à celui qui est à ses côtés, elle souhaiterait plus que tout pouvoir glisser sa main dans la sienne. Mais elle pense à toutes les conséquences et se contente d'essayer de faire abstraction de tous les objectifs braqués vers elle en serrant fermement entre ses doigts le bouquet de fleurs que les deux sportifs ont soigneusement choisi.

Des gerberas colorées, symboles d'un amour profond et de tendres pensées, ont cette année remplacée les immortelles aux pétales jaunes et les ancolies, réceptacles d'une absence insupportable et d'un chagrin immense.

Lorsqu'ils pénètrent au sein des installations Alpine, Pierre s'empresse de se débarrasser de son manteau épais sur lequel ruissellent des gouttes de pluie. Il passe une main dans ses mèches châtains pour se recoiffer et se tourne vers la jeune femme qui n'a toujours pas bougé. Un léger pincement vient attrister son cœur lorsqu'il constate que se confronter à l'euphorie d'un week-end de Grand Prix était une étape difficile à surmonter.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant