GLORIOUS - PIERRE GASLY

cinquante-sept

cinquante-sept.

lundi vingt-cinq décembre
deux mille vingt-trois.

Le soleil se lève à l'horizon, illuminant le paysage d'un blanc immaculé. Par moment, le vent souffle quelques flocons qui virevoltent avant de rejoindre le sol. Derrière la baie vitrée, Louise contemple le calme qui s'étend sous ses yeux. Elle prend des forces avant le marathon qui va s'enchaîner aujourd'hui. Mais face à cette sérénité, elle a perdu la notion du temps, plongée dans ses pensées.

Elle se repasse en boucle ces derniers jours parfaits. Les Gasly et les Leroy au grand complet réunis pour passer une semaine à la montagne. Elle ne se rappelle plus la dernière fois qu'ils ont pu partager un moment tous ensemble. Il faut croire que les difficultés rapprochent et ont au moins le bénéfice de les souder à nouveau.

Son traitement est toujours aussi fatiguant. Après le déjeuner, alors que tout le monde regagnait les pistes, elle s'installait dans le canapé pour laisser le temps à sa perfusion de s'écouler. Pierre a toujours tenu à rester avec elle, malgré le fait qu'elle finisse souvent par trouver le sommeil. Et puis, ils partageaient une petite balade n'excédant jamais une trentaine de minute autour du chalet pour que la jeune femme puisse continuer sa rééducation.

Chaque jour, le pilote est fier d'être témoin de ses progrès qui s'intensifient depuis qu'elle a réussi à remarcher quelques pas. Elle s'appuie toujours fermement contre son accompagnateur et s'épuise rapidement, mais tous les signes sont au vert pour garantir une guérison complète.

Elle sort de son tourbillon de pensées en entendant le parquet craquer derrière elle. Deux mains viennent se poser sur ses épaules et elle lève la tête pour accueillir des lèvres qui se plantent sur son front. Elle sourit, profitant de ces petites attentions. Pierre n'a rien tenté depuis qu'il lui a offert ce chaste baiser. Il lui a livré son cœur et ses pensées. Toutes les cartes sont dans les mains de la jeune femme et il ne veut pas la presser. Il veut attendre qu'elle l'ait pardonné et qu'elle l'ait véritablement décidé.

En réalité, ça fait bien longtemps que Louise a tourné la page. Le pilote a tout fait pour se rattraper ; elle a su l'apprécier. Et si elle a bien retenu une leçon de ces derniers mois mouvementés, c'est qu'il faut saisir chaque occasion et en profiter. Cependant, il y a encore un élément qui l'invite à se freiner et à retarder leurs retrouvailles. Un argument de taille, un problème à régler pour aborder l'avenir avec sérénité.

Depuis son plus jeune âge, elle se définit essentiellement par sa passion. Mais elle lui a été enlevée. Et la triathlète ne sait pas si elle va réussir à la pratiquer à nouveau.

Louise s'est perdue. Et elle veut être certaine de se retrouver. C'est le seul moyen d'avancer.

Pierre note que la jeune femme est plongée dans ses pensées. Ses yeux bleus glissent sur le sweat qu'elle porte. Un de sa collection qu'elle a pris dans sa valise. Ses lèvres s'étirent en un tendre sourire en constatant que certaines habitudes ont la vie dure. Et puis, il fixe l'objet qu'elle tient entre ses mains. Elle le fait tourner, le tourne à nouveau, puis le retourne, sans détacher son regard de l'horizon. Il sent son anxiété, mais il veut attendre qu'elle se sente prête à lui en parler.

« C'est la première fois qu'on ne va pas courir le matin de Noël, soupire-t-elle.

- On se rattrapera l'année prochaine.

- Je viens d'expliquer ce qu'il s'est passé ces dernières semaines, souffle-t-elle finalement. Et que je ne participerai probablement pas aux Jeux. Je... Je l'ai éteint, dit-elle en désignant son téléphone qui glisse encore entre ses doigts. Tu peux le garder. J'ai pas envie d'affronter ces réactions tout de suite.