GLORIOUS - PIERRE GASLY

onze

« Tu ferais ça ? Il a cette lueur d'espoir qui vient d'éclairer son regard bleuté.
- Bien sûr, affirme la jeune femme. »

...

onze.

dimanche dix-sept octobre
deux mille dix.

14 & 13 ans.

L'excitation est palpable dans l'air étouffant de Monaco. Les moteurs vrombissent au loin, annonçant le début imminent de la Junior Kart Cup. Pierre ajuste nerveusement son casque, resserrant les sangles avec détermination. Il sent l'adrénaline monter en lui et il essaye de se concentrer en détachant ses yeux du cadre exceptionnel dans lequel il s'apprête à courir. Une partie du tracé reprend celui du mythique Grand Prix de Formule 1.

L'adolescent a répété maintes et maintes fois cette piste qu'il connaît par coeur. Elle longe le port à partir du virage douze, suit les incontournables S de la piscine avant de faire demi-tour à la Rascasse. Il est d'autant plus impressionné que la veille, Charles, lui a fait visité la ville grouillant de monde et surtout, de voitures plus incroyables les unes que les autres.

Charles est monégasque. C'est un petit brun, d'un an son cadet. Ils se sont rencontrés lors d'une compétition il y a de ça sept ans. Et si l'esprit sportif impliquerait que les deux garçons restent adversaires en dehors de la piste, la réalité en est tout autre. Ils sont heureux de se retrouver à chaque course, attendant la prochaine avec impatience pour rire, échanger et se mesurer l'un à l'autre dans toute autre discipline, dès qu'ils descendent de leur kart.

Mais sur la piste, ils sont bien conscients qu'ils ne se feront aucun cadeau. Ça serait faire offense au rêve qu'ils poursuivent tous les deux. Alors Pierre se concentre sur le kart de son ami, positionné juste devant lui, en deuxième position. Et s'il veut prendre une bonne impulsion et se concentrer sur ce qu'il se passe sur la première ligne, il ne doit pas oublier le casque orange qui se trouve juste derrière lui.

Anthoine. Celui avec lequel il partage sa chambre à l'académie du sport automobile. Le petit prodige qui roule vite et qui se donne à cent pour cent dans tout ce qu'il entreprend. Assidu. Bon élève. Compétiteur hors pair.

Le regard de Louise papillonne entre ces trois karts. Si elle a déjà aperçu Charles brièvement, elle découvre Anthoine lors de ce week-end où, pour la première fois, elle a eu le droit de traverser le pays avec les parents de son ami pour assister à l'une de ses compétitions. Ça lui tient à cœur de le voir en action, de le soutenir et d'assister à son ascension. Mais elle doit l'avouer, être présente lors de cette course est aussi un moyen pour la jeune fille de se rassurer.

Pierre a toujours été populaire et entouré. Il sait se faire des amis. Tout le contraire de Louise. Et pourtant, il n'y a toujours eu que eux deux.

Louise et Pierre.
Pierre et Louise.

Un duo qui compte plus que tout. Une amitié solide. Parce qu'ils étaient les seuls qui comprenaient suffisamment les objectifs et les rêves de l'autre. Les seuls qui savaient le travail que ça leur demanderait. Les seuls qui y croyaient.

Et puis, il y a ce jour où le prénom de Charles est apparu dans la bouche de son ami de toujours. Charles, le monégasque, qui désirait, lui aussi, plus que tout, devenir champion du monde de formule un. Avec Ferrari, précise-t-il systématiquement.

Et depuis, Louise a peur. Elle est effrayée à l'idée que ce nouvel arrivant comprenne Pierre, ses objectifs et ses rêves un peu mieux qu'elle ne pourrait le faire. Ça la rend malade qu'il sache plus qu'elle le travail que cela demande. Elle est angoissée à l'idée qu'il y croit davantage, simplement parce qu'elle n'est jamais montée dans un kart.