GLORIOUS - PIERRE GASLY

cinq

« Tout ce que je veux dire, reprend-il en glissant ses doigts dans les siens, c'est qu'on y arrivera, tous les deux. »

...

cinq.

jeudi dix-huit novembre
deux mille quatre.

8 & 7 ans.

Quelques tâches orangées font de la résistance sur les branches des arbres. Les autres feuilles mortes jonchent le sol par centaines et les enfants de l'école primaire se font un grand plaisir de courir dedans. Elles craquent sous leurs pieds mais les bruits sont masqués par éclats de rire et cris qui fusent dans tous les sens.

Impatients, les élèves des classes de CE2 déferlent dans la cour de récréation. Cela faisait plusieurs minutes qu'ils n'arrivaient plus à se concentrer en entendant leurs camarades jouer à l'extérieur.

Comme une habitude prise à chaque pause, un châtain se dirige sur le terrain de foot improvisé, un ballon sous le bras. Il cherche du regard son amie. C'est son arme secrète. Celle qui lui permet de gagner même si aucun autre de ses copains n'ose le reconnaître. Personne ne la veut dans son équipe à part lui. Parce que c'est une fille. Et parce qu'elle est encore en CE1. Deux arguments que Pierre ne comprend pas parce que Louise court plus vite que la plupart des garçons de son âge et il aime sa détermination. Grandir en étant entourée de petits monstres est un sacré atout. La fillette est teigneuse, elle a appris à ne pas se laisser faire.

« On fait les mêmes équipes Pierre ? interpelle l'un de ses camarades.

- Attends il manque Louise, indique-t-il en posant la balle au sol.

- Tu peux pas jouer sans ton amoureuse pour une fois ? »

Il ne répond rien, bien trop préoccupé par le fait de ne pas la voir. Il espère qu'elle n'a pas encore reçu une punition qui l'empêcherait de venir taper dans le ballon. Le garçon quitte le terrain improvisé et s'approche d'une bande de filles occupées à faire le plus de sauts possibles en passant à cloche pied au-dessus d'un élastique.

Louise ne joue plus avec elles alors même que la rentrée s'est déroulée il y a deux mois à peine. Parce qu'elle veut établir des règles. Parce qu'elle tient à gagner. Et ce n'est pas l'esprit des autres petites filles qui souhaitent simplement s'amuser.

Les élèves le dévisagent, intimidées qu'un élève plus âgé vienne leur parler. Surtout quand ce "grand" en question est Pierre, l'ami de la fillette bizarre qui a le droit de jouer au foot avec lui, ce qu'elle préfère largement faire plutôt que de rester avec elles. Et tant pis si elle paraît effrontée et dédaigneuse. Et tant pis si tout le monde la surnomme le garçon manqué. Elle lève la tête, et elle clame haut et fort qu'elle s'en moque.

Ça, c'est ce qu'elle veut faire croire.

Parce que du haut de sept ans, la blondinette sait peut être s'affirmer. Elle sait peut être donner de la voix. Mais la vérité c'est qu'elle ne trouve pas sa place. Jouer avec les filles ne l'intéresse pas et les garçons la rejettent.

Il n'y a que Pierre qui la comprend.
Il n'y a que Pierre qui pense comme elle.
Il n'y a que Pierre.

Une amitié assez exclusive qui inquiètent d'ailleurs ses parents et qui craignent que leur dernier enfant ne se retrouve seule à la moindre altercation avec leur voisin.

Mais pour l'instant, leur relation tient le choc.

Il y a Pierre et Louise.
Et il y a Louise et Pierre.