trente

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« J'étais certaine d'aller décrocher cette putain de médaille aux JO. [...] Il ne peut pas l'abandonner. Il a déjà eu trop d'occasions manquées. »

...

trente.

lundi vingt-six juillet
deux mille vingt-et-un.

25 & 24 ans.

« Alors Pierre, tu viens avec nous ? Quelques secondes passent sans que le pilote n'émette la moindre réponse. Pierre ? Ça va ? L'interpelle sa maman en arrivant dans le salon. »

Le jeune homme a le regard vide. Il est incapable de sourire tant il est préoccupé pour Louise qui s'apprête à prendre le départ de la course de sa vie à l'autre bout du globe. Paradoxalement, il a trouvé qu'elle affichait un regard plutôt serein lorsqu'elle a tenu à l'appeler en FaceTime au moment où elle s'est isolée pour tresser ses mèches blondes.

Ils n'ont échangé aucun mot, la triathlète se contentant de s'imprégner de sa présence et de la force que le pilote pouvait lui transmettre. Il n'a pas quitté l'écran une seule seconde des yeux, se maudissant intérieurement que son calendrier le prive d'être physiquement à ses côtés pour un jour qu'ils rêvaient grand.

« N'oublie pas que t'es la meilleure, avait-il simplement murmuré. Et que tu cou-

- Et que je cours plus vite qu'elles, avait-elle conclu. »

« Pierre ? Tu m'écoutes ? l'interpelle à nouveau Pascale en faisant de grands signes de la main devant le visage perdu de son fils.

- Je... je sais pas trop. »

Son comportement était paradoxal. S'il avait souhaité être seul, il aurait pu rester à Milan. Ou se rendre sur le lieu du prochain Grand prix et s'enfermer dans une chambre d'hôtel. Mais il avait préféré faire un détour par Rouen, là où se trouvaient sa famille et celle de Louise qui ne pouvaient pas se rendre sur le lieu de l'événement à cause des nombreuses mesures sanitaires imposées pour cette édition des Jeux olympiques. Il avait besoin d'être avec eux.

« T'es déjà resté seul la dernière fois... »

Mais c'était différent. Rio, c'étaient ses premiers Jeux. Une découverte pour tous les deux. Une course pour préparer celle d'aujourd'hui.

« Je vais venir, sourit-il finalement avant de se lever pour prendre sa maman dans ses bras. »

Pascale mesure l'ampleur des sentiments que son fils porte à l'égard de Louise. Il est déjà ému, et elle l'a rarement vu dans cet état. Elle sait qu'il sera ravi de voir toute l'euphorie qui régnera sur le stade municipal transformé en fan zone pour soutenir la jeune femme. C'est ici qu'elle a réalisé ses premiers tours de piste. C'est la championne de tout un pays.

La famille se met en route rapidement. De nombreuses personnes sont déjà présentes pour aider à l'organisation de l'événement. Ils installent des chaises et des tables, préparent des mignardises à déguster ainsi que des drapeaux français et normands. Il s'empresse de leur prêter main forte pour s'occuper l'esprit qui est bien trop tourné vers sa compagne.

Des larmes menacent déjà de couler au coin de ses yeux quand Marie, la maman de Louise, tombe dans ses bras en le remerciant d'être présent. Il salue ensuite le papa et tous les frères de la jeune femme dans un silence presque solennel. Chacun semble prendre conscience de l'importance de cet instant.

Et alors que les premiers athlètes arrivent sur le ponton, tout le monde prend place pour ne surtout pas manquer la française. Lorsque cette dernière apparaît enfin à l'écran, la salle entière éclate dans des cris de soutien et d'encouragements. Les applaudissements fusent. Les cornes brumes sont de sorties.
Et Pierre sourit.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant