soixante-deux

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Ondine_8, on parlait de coïncidences...
Je me devais d'attendre un jour de plus pour vous partager ce chapitre... tout était écrit à l'avance et rien n'était calculé sur les dates de publication...

soixante-deux.

vendredi vingt-six juillet
deux mille vingt-quatre.

C'est une soirée dont elle se rappellera à jamais.

Louise ne saurait expliquer tous ses sentiments qui l'assiègent alors que la Seine s'étend devant elle, en reflétant les rayons du soleil doré. Ses mèches tressées virevoltent légèrement alors que le bateau fend les flots. À ses côtés, Florent Manaudou la regarde, avec un tendre sourire. Lui aussi a des étoiles dans les yeux alors qu'ils traversent Paris entourés par toute la délégation française pour marquer l'ouverture de cette grande fête sportive. Les foules se sont amassées sur les quais. Et la jeune femme sait qu'elle n'a pas le droit de laisser sa culpabilité gâcher ce cadeau qui lui a été offert.

Il y a deux mois, elle a reçu cet appel vidéo de sa fédération. Elle se souvient avoir été surprise de voir son président et tous les athlètes réunis derrière la caméra pour lui annoncer de la décision qu'ils venaient de prendre à l'unanimité. Celle de proposer son nom en tant que porte-drapeau lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. Bien que touchée, la normande a exprimé son désaccord, parce qu'elle avait cette sensation de ne pas le mériter. Sa non-sélection n'était plus un secret. Mais après de longs débats, elle n'a pas manqué de les remercier. Et puis, elle a passé de longues heures à se persuader que son nom ne serait pas retenu par le collectif français.

Évidemment, cela a fait naître une nouvelle polémique et les réseaux sociaux ainsi que la presse se sont fait une joie de donner leurs avis et de statuer sur ce qui devait être fait. Mais aucun retour légal n'a été possible ; la triathlète remplissait tous les critères. C'était simplement inédit de nommer un olympien qui ne prendrait pas part aux épreuves. Et lorsque le vote a été organisé, les sportifs ont finalement décidé que Louise était leur meilleure représentante. Une figure positive et fédératrice.

Alors elle profite de cette soirée unique. Des acclamations de la foule. De la ferveur de la délégation française. De ces couleurs chatoyantes qui se reflètent sur les monuments de la capitale. De la musique. De la bonne humeur. De la satisfaction de vivre ce moment dont on lui parle depuis bien tant d'années.

...

soixante-deux. bis.

mardi trente juillet
deux mille vingt-quatre.

Les yeux rivés sur les écrans géants et les doigts fermement croisés, Louise regarde le groupe de tête tourner le dos à l'Arc de Triomphe qui a été le témoin de cette course totalement folle. Ce point de repère permet de mesurer l'écart que les leaders ont réussi à creuser avec leurs concurrents après avoir bouclé les quarante kilomètres à vélo. Ils ne sont plus que quatre en tête. Trois français. Et trois médailles. Tout le monde espère voir un miracle aujourd'hui. Ils l'ont déjà fait. Ils en sont capables.

Aujourd'hui, comme dans la vie, il n'est plus question de se retourner. De sa place de spectatrice, la normande leur fait confiance. Ce sont des athlètes de haut-niveau. Ils ne montrent pas le moindre signe de faiblesse et laissent de côté tous les doutes qui peuvent bien planer sur leurs têtes. Ils avancent, tête haute, le regard tourné vers l'horizon. Et ils repositionnent correctement leur foulée en se dirigeant vers les quais.

Il ne leur faut que quelques minutes pour rejoindre le mythique pont Alexandre III qui revêt un sublime tapis bleu pour l'occasion. Ils passent devant elle, et elle crie des encouragements de toutes ses forces. Elle sent la main de Pierre se serrer sur son épaule. Elle est heureuse qu'il soit présent pour la rassurer, mais aussi pour vivre cette journée étrange à ses côtés.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant