quarante-six

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quarante-six.

mardi vingt juin
deux mille vingt-trois.

Louise retient un bâillement en se dirigeant vers la sortie de l'aéroport, poussant son chariot sur lequel est disposé ses bagages ainsi que son vélo soigneusement protégé. Sa fatigue semble aussi s'évaporer lorsqu'elle capte un sourire solaire à travers la foule massée derrière les barrières de l'ère d'arrivée.

Elle regrette que son regard bleuté soit masqué par des lunettes de soleil et qu'il porte sa casquette, visière à l'endroit, pour tenter de masquer son visage. Ses lèvres s'étirent gaiement lorsqu'elle aperçoit l'inscription écrite sur le carton qu'il brandit.

Celle qui court le plus vite.

Délaissant ses bagages, elle se hisse sur la pointe des pieds pour le serrer dans ses bras. Pierre l'attire un peu plus contre lui et profite de cette étreinte qui lui a manquée ces dernières semaines. Ils se sont croisés, quelques jours par-ci et par là, un week-end à Saint-Raphaël et un dimanche à Monaco. Toujours trop peu de temps à leur goût.

« Je croyais qu'on devait être discrets, souffle la jeune femme alors que le pilote ne s'est toujours pas décidé à la lâcher.

- Je m'en fous. Je veux juste profiter de toi. »

Ils n'ont pris que trop de précaution suite à la tempête médiatique qui les a ébranlés et que Louise a décidé d'affronter, sans avouer publiquement les raisons qui l'ont conduite à avoir recours à l'interruption volontaire de grossesse. Elle l'a fait. Et elle ne doit pas se cacher ou en avoir honte. Comme elle l'a expliqué lors d'une conférence de presse, cela ne regarde personne d'autre qu'elle. Mais ce qu'elle a souhaité défendre, c'est de pouvoir exprimer sa reconnaissance envers celles qui se sont battues pour l'accès à ce droit dont elle a pu bénéficier à un moment où elle en avait besoin.

Ces événements ont laissé des traces. Pierre et Louise portent encore les plaies de cet épisode stressant qui a pris une ampleur impossible à imaginer et qui les a complètement dépassés. Aujourd'hui, leurs cicatrices se forment lentement. Et le seul regret, c'est de ne pas avoir eu assez de temps pour panser leurs blessures en étant physiquement présent l'un pour l'autre. 

C'est avec cette idée en tête, qu'ils finissent pas se séparer. Le jeune homme empoigne le chariot, guidant la blonde jusqu'au parking. Ils unissent leurs forces pour charger correctement le vélo encombrant bien que partiellement démonté et la triathlète est heureuse de voir que rien n'a changé. Pierre a renoncé au prêt d'une voiture de sport pour un monoplace au coffre assez grand permettant de transporter tout son matériel.

Sur le trajet, ils évoquent rapidement la prestation du pilote Alpine lors du Grand Prix précédent. Une douzième place difficile à digérer après avoir été éliminé au premier tour des qualifications, à cause d'une manœuvre gênante de Carlos Sainz. Mais le français ne veut plus en parler. Alors, ils dérivent sur une note plus douce. Ils enchaînent les anecdotes, savourant cette opportunité de se retrouver.

Après une course mitigée sur l'étape de Yokohama, le staff de la triathlète lui a proposé d'ajouter la course canadienne à son calendrier. Le hasard voulait qu'elle se déroule une semaine après le Grand Prix de Montréal. Et Pierre n'a pas hésité. Il a décidé de prolonger son séjour outre-atlantique pour être à ses côtés. D'autant plus que la jeune femme est la seule du collectif France à faire le déplacement pour cette épreuve qu'elle a choisi de disputer au dernier moment.

Les deux sportifs pénètrent enfin dans le hall de l'hôtel. Louise prend soin de signaler son arrivée et de récupérer sa clé au comptoir avant de s'engouffrer dans l'ascenseur avec tous ses bagages. Elle insère la carte dans la serrure électronique et sourit en poussant la porte de la chambre. Le parfum du normand emplit la pièce d'une douce odeur qui lui permet de sentir en sécurité. La valise de ce dernier est posée sur le sol, éventrée devant l'armoire fermée.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant