cinquante

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cinquante.

dimanche vingt-cinq août
deux mille vingt-trois.

Son index et son majeur sont fermement croisés. Son pouce, porté à sa bouche pour ronger frénétiquement son ongle. La pluie s'abat sur Zandvoort depuis le début du Grand prix, permettant à Pierre de se poster aux avant-postes. Puis une piste sèche. Une pénalité. Puis à nouveau de la pluie, multipliant les arrêts au stand. Et enfin, un nouveau départ à la quatrième place. Et finalement, une troisième place.

Elle entend son euphorie dans la radio. Sa joie indescriptible. Un podium qui sonne comme une victoire avec Alpine.

Aux côtés des frères Gasly qui ont fait le déplacement, Louise attend derrière les barrières malgré la pluie battante et toutes les précautions qu'ils s'efforcent de prendre. Elle veut être là. Elle ne peut retenir longtemps ses larmes de bonheur lorsqu'il la sert dans ses bras, la heurtant avec son casque. Elle perçoit ses yeux bleus derrière sa visière. Ils traduisent son sourire masqué. Il ne peut être plus heureux.

« T'es mon porte-bonheur, crie-t-il pour être entendu malgré la liesse de tous les membres de l'équipe réunis ici. »

Elle a été là à chaque fois. Ou presque.

Elle regrettera toujours de ne pas avoir été là, ce jour-là, à Monza.

Et si des pleurs nostalgiques menacent de couler le long de ses joues, elle n'a pas de peine à les retenir pour se laisser envahir par ce moment unique.

Il y a eu cette troisième place à Spa sur la course sprint. Et il y a cette troisième place ce dimanche aux Pays-Bas. Une lueur d'espoir dans la tempête qu'ils traversent depuis le début de la saison.

Le protocole s'enchaîne. Elle est aux premières loges pour recevoir les gouttes de champagne que le pilote français fait couler sur leurs têtes. Elle le regarde, des étoiles dans les yeux, reconnaissante d'être à ses côtés alors qu'il est récompensé pour son travail acharné. Et elle est terriblement fière de le voir franchir un pas de plus vers la conquête de ses rêves.

« T'es plein de champagne, grimace-t-elle quand la normande le retrouve après sa tournée médiatique et qu'il ne peut s'empêcher de la serrer tout contre lui.

- Toi aussi, Pierre lui glisse un clin d'œil.

- À qui la faute ?

- C'est pas grave, j'aime sentir cette odeur sur toi, souffle-t-il alors qu'elle rougit, réchauffant un peu plus son cœur.

- Plus que le monoï ?

- C'est une question bien trop difficile. Il faut inventer un nouveau parfum qui marie les deux. »

Sa réflexion déclenche un éclat de rire joyeux. En l'entendant, il est persuadé que son cœur vient de rater un battement. Parce que ce son si doux est le trésor le plus précieux. Quelque chose qu'il ne peut pas posséder, mais qu'il espère avoir l'occasion d'écouter pendant encore une éternité.

Contraint par des obligations et les célébrations d'équipe, le châtain s'éclipse, l'informant que ce soir, ils feront la fête et qu'elle doit s'y préparer. Et malgré la fatigue qu'elle sent peser sur son esprit, Louise serait prête à le suivre à l'autre bout du monde. Parce qu'aujourd'hui doit être sa journée. Il doit la savourer, jusqu'à la dernière seconde. Après tout, chaque sportif est intimement convaincu que ce jour arrivera. Mais on ne sait jamais vraiment quand. Et quand il se présente, il est impossible de savoir quand on le retrouvera.

La jeune femme pense à ses prochaines participations qu'elle a dû annuler à cause de son état de santé. Elle a renoncé à participer à un circuit international alternatif qui propose plusieurs formats très courts pour renforcer le côté spectaculaire de la discipline. Elle était favorite.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant