vingt-quatre

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Ça devait être eux deux. Elle et lui. Contre le monde entier. Pour l'éternité.
...

vingt-quatre.

dimanche huit avril
deux-mille dix-huit.

22 & 21 ans.

Du haut du bus, Pierre sourit et salue la foule pour honorer la parade des pilotes. Il voit les visages heureux défiler sous ses yeux, il entend les cris de joie des supporters et il laisse cette ferveur gagner son cœur. C'est le deuxième Grand Prix de la saison et il est déterminé à réaliser une bonne course aujourd'hui pour oublier rapidement son abandon sur problème moteur en Australie. Sur le papier, il a tout donné en qualification pour s'assurer un bon départ qu'il prendra de la troisième ligne.

« Tu rentres en Europe après Shanghai ? lui demande Charles qui se tient à ses côtés. »

Les week-ends sont bien remplis. Les obligations médiatiques viennent s'ajouter aux événements des écuries ainsi qu'au travail à fournir pour performer dans la voiture. Alors les deux francophones profitent souvent de ce court moment de répit pour échanger. Le normand détourne son regard perdu sur le soleil qui décline à l'horizon pour le poser sur son ami de toujours.

« Oui, répond-il. Je dois aller à Milton Keyes pour des heures de simulateur et puis passer à Faenza pour des réunions.

- T'es jamais à Londres en fait, sourit le monégasque.

- Non, il faudrait même que je songe à déménager je suppose.

- Vois le bon côté des choses, souffle Charles en posant une main sur son épaule déjà recouverte d'un haut ignifugé. En Italie, tu seras plus proche de Louise.

- Ouais, mais ça ne règle ni les contraintes de nos emplois du temps, ni les problèmes de visa, soupire le français en repensant aux péripéties de cette semaine. »

À peine avait-il atterri en Arabie saoudite que la jeune femme l'appelait pour l'informer qu'elle ne pourrait pas venir le rejoindre pour ce week-end de course, son visa venant d'être refusé. Il avait bien compris qu'elle essayait de masquer sa peine et de se montrer optimiste. Mais tous deux savaient très bien que ces quelques jours étaient leur seule opportunité de se croiser avant la mi-mai.

« Si tu es entre Faenza et Saint-Raphaël, on pourra se faire un petit dîner à Monaco ou à Nice avec les filles.

- Ça sera sans Louise, soupire le français. Quand on rentre de Chine, elle s'envole pour les Bermudes. Après elle part directement au Japon pour un stage et une coupe du monde.

- Elle sera à Monaco ?

- Oui, oui, normalement si elle fait l'impasse sur les championnats de France, grimace-t-il. »

Il ne peut s'empêcher de repenser à cette promesse naïve qu'elle lui avait faite ; celle d'être toujours présente à chaque départ qu'il prendrait sur le Rocher. Mais comme tous les rêves d'enfants, elle venait se confronter à la réalité et à son propre désir de tutoyer les sommets de sa discipline.

« Mais bon, dans tous les cas, je devrais la voir après Barcelone.

- C'est pas évident, elle est très occupée, souligne Charles.

- Je ne peux pas lui en voir, sourit tristement le normand en saluant le public qui acclame le passage des vingt pilotes. »

Les relations à distance semblent déjà si difficiles à vivre. Au début, Pierre voulait croire que ça ne comptait pas, qu'ils seraient bien plus forts que cela, simplement parce qu'ils étaient déjà habitués à ne plus vivre l'un auprès de l'autre. Mais plus leurs carrières avançaient, plus leurs rêves se rapprochaient pour se confondre presque avec la réalité, plus la situation se complexifiait.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant