trente-neuf

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trente-neuf.

mercredi vingt-cinq janvier
deux mille vingt-trois.

Le soleil frappe le dos de la jeune femme alors qu'elle arrive au sommet de cette ascension particulièrement corsée. Ses cuisses sont en feu et elle pousse un long soupir en rejoignant le groupe français qui s'est arrêté par esprit de solidarité, chacun ayant une allure spécifique à respecter.

« Bah alors Loulou, l'interpelle le doyen du collectif, c'est pas assez difficile pour que tu montes avec un pneu crevé ?

- De quoi tu par- »

Elle s'arrête dans sa phrase en constatant que sa roue arrière est effectivement dans un sale état. Par réflexe, l'athlète plante ses incisives dans sa lèvre inférieure afin de retenir les larmes qui menacent de couler sur son visage. Louise pensait que la coupure lui avait été bénéfique. Mais depuis qu'elle est arrivée à la Réunion pour ce stage de reprise avec le collectif tricolore, l'acclimatation est difficile et elle peine à se plonger à nouveau dans le rythme.

Elle essaye de faire face comme elle le peut. Mais ses amis voient bien que son sourire s'est terni. Et que ses cernes ne quittent plus son visage fatigué.

« Allez, c'est pas grave, je vais m'en occuper en attendant les autres, lui intime doucement Léo en installant son vélo de telle sorte qu'il soit maintenu en équilibre contre une grosse pierre. Mange un morceau, t'es toute pâle. »

Si sa morale voudrait qu'elle proteste, Louise n'en a pas le courage. Et elle se contente de remercier son ami et de prendre le temps de mâcher une pâte de fruits pendant que les derniers membres de l'équipe viennent à bout de cette route escarpée.

« Tu veux peut-être écourter la sortie ? »

La blonde lève la tête en positionnant une main au-dessus de son front pour masquer les rayons du soleil éblouissant. L'entraîneuse désignée par la fédération se tient devant elle, soucieuse de préserver au maximum son état de santé. L'athlète soupire. Leur relation est paradoxale. La quarantenaire est à la fois présente pour l'épauler, la faire progresser, mais aussi pour l'évaluer. Aussi, Louise ne s'est jamais permise de flancher devant elle.

Et pourtant, aujourd'hui, elle se contente d'acquiescer. Elle met de côté son caractère teigneux et déterminé qu'elle devrait montrer et choisit de mettre en avant une autre de ses qualités ; s'écouter. Connaître son corps, savoir le pousser au-delà de ses limites mais aussi en prendre soin lorsque cela est nécessaire.

« Tu passes voir les médecins, histoire faire un check-up complet ? s'assure la coach.

- Compte sur moi, sourit-elle faiblement.

- Tu me préviens quand tu es rentrée ?

- Oui maman Stéphanie, se moque-t-elle gentiment. »

L'entraîneuse laisse échapper à son tour un éclat de rire. Elle chérit cette relation qu'elle entretient avec ses athlètes, même s'il est souvent difficile de trouver le bon équilibre entre les protéger et les laisser s'envoler. Et le cas de Louise est encore plus particulier. Elles se connaissent depuis longtemps car c'est elle qui a détecté la jeune normande et qui lui a offert une place au pôle d'entraînement d'Orleans puis dans la structure fédérale de Saint-Raphaël.

« Et voilà Madame ! Un vélo tout neuf ! indique Léo en posant le cycle devant elle.

- Merci, t'es un ange. »

Le groupe reprend la route et la blonde le regarde partir, une amère sensation en bouche. Cela fait désormais plusieurs mois qu'elle est à la traîne, sans comprendre réellement d'où vient le problème. C'est d'ailleurs ce qu'elle explique au staff médical dès qu'elle rejoint le camp que l'équipe de France a investi pour ces deux semaines de stage intensif. Elle se prête à tous les examens que le praticien souhaite réaliser avant de se glisser sous une longue douche bien méritée. L'eau chaude ruisselle sur sa peau, la faisant rougir sous son passage.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant