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« Promets-moi de ne jamais oublier que tu es la meilleure, et que tu cours plus vite qu'elles. »
...

six.

jeudi vingt-huit juin
deux mille sept.

11 & 10 ans.

Le soleil tape sur les bords de la Seine qui traverse Rouen en répandant sa chaleur réconfortante sur l'assemblée joyeuse de collégiens. Le temps est parfait pour célébrer l'été et profiter de la journée organisée par le corps enseignant pour la fin de l'année ; des olympiades mêlant toutes les classes du collège pour annoncer les vacances. Une excitation palpable qui se mêle à l'air chaud ambiant. Une frénésie juvénile alors que les enfants s'agitent, préparés pour la compétition à venir.

En rangs désordonnés, les élèves s'avancent vers le parc accueillant l'événement dans un brouhaha incompréhensible. Ils s'échangent des noms pour recueillir des informations sur les équipes qui ont été formées aléatoirement, s'écriant par moment de joie en apprenant les aptitudes de certains, et se lamentant des critiques acerbes affublant d'autres élèves.

Devant lui, une bande de garçons plus âgés que lui se plaignent bruyamment d'avoir des filles dans leurs équipes, âgées d'à peine onze ans, qui plus est. Pierre écoute. Il tend l'oreille face à leurs protestations. Mais il ne dit rien. Et il ne comprend pas d'où viennent les a priori qu'on porte sur les filles. Ça fait bien longtemps qu'il a le parfait contre-exemple en tête à chaque fois qu'on lui sort ce prétexte. Et pourtant, c'est loin de suffire. Même lorsque sa meilleure amie s'acharne à prouver qu'elle est autant capable que n'importe qui, lorsqu'elle dépasse toutes les attentes, personne ne la prend au sérieux.

« T'es avec qui ? se risque-t-il à demander en tapant sur l'épaule d'un des élèves avec lequel il a joué quelques fois au foot. »

L'adolescent lui sort tout un tas de noms que le blond essaye de rattacher à des visages. Il reconnaît celui d'une fille de sa classe qui lui semble plutôt bonne en sport mais se retient de préciser quoique ce soit. Parce qu'il sait pertinemment que ses paroles ne seront ni entendues, ni comprises.

« Et puis une petite de sixième, Louise... Il faut qu'on joue les baby-sitters pour notre dernière journée, soupire-t-il.

- Leroy ?

- Je crois, réfléchit le gamin. Pourquoi tu la connais ?

- Elle court vite, se contente-t-il de l'informer.

- Pour une fille ? ricane un autre.

- Je suis sûr qu'elle court plus vite que vous, affirme-t-il avant de lui adresser un sourire moqueur.

- T'es amoureux ou quoi ? »

Il est las de cette réplique. Il en a marre de se justifier, d'expliquer ce que tout le monde refuse simplement de reconnaître préférant lui prêter des sentiments qui ne sont pas les siens. Il s'agit d'amitié. D'une amitié sincère qui ne fait que se renforcer. Alors, pour une fois dans sa vie, l'adolescent préfère la fuite. Il tourne les talons.

Lèvres pincées, Pierre remonte le rang d'un pas pressé. Il passe ses mains dans ses cheveux pour recoiffer ses longues mèches couleur châtain. Ses yeux scannent la foule. Il ne tarde pas à repérer une tête blonde dont la chevelure est parfaitement tressée en deux nattes collées. Alors qu'il l'interpelle, il entend les jeunes filles qui l'entourent glousser en le voyant arriver.

Depuis son entrée au collège, le comportement de son amie a radicalement changé envers la gente féminine. Elle tente de mettre de côté ses années solitaires de primaire pour s'intégrer. Peut-être que l'année dernière séparée de Pierre lui a aussi fait du bien. Ou du moins, elle l'a poussée à s'adapter. À s'ouvrir à d'autres personnes et à sortir de ce schéma fusionnel qu'ils ont toujours reproduit et perpétué, sans que cela ne les dérange.

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant