GLORIOUS - PIERRE GASLY

huit • neuf

huit.

samedi seize mai
deux mille neuf.

13 & 12 ans.

L'euphorie est palpable parmi les jeunes qui attendent impatiemment le départ de la course. Les rangs commencent à s'agiter et parmi eux, Louise, essaye de calmer son cœur qui bat à mille à l'heure et tente de rester concentrée.

Se faire plaisir. C'est l'objectif qu'elle a convenu de réaliser avec son entraîneur lors de ces championnats de France. Parce qu'elle pratique le triathlon seulement depuis un peu plus d'un an et demi, lorsqu'on lui a proposé de monter sur un vélo pour pouvoir pratiquer une discipline lui permettant d'exploiter à la fois ses qualités de nageuse et de coureuse. Et parce qu'elle n'a réalisé qu'une poignée de courses régionales, bien qu'elle ait accroché places honorables et podiums.

Mais dans un coin de sa tête, il y a ce désir de victoire. Un caractère compétitif qu'elle cultive déjà depuis ses plus jeunes années. Louise veut gagner. Et elle va tout faire pour y arriver. D'autant plus qu'elle est persuadée d'avoir un atout considérable avec elle ; son porte-bonheur.

Pierre l'a accompagnée pour cette première échéance nationale. Elle n'en revient toujours pas. Lui, qui manque déjà de nombreux jours de cours pour boucler toutes les dates que lui imposent la pratique du karting, a réussi à convaincre ses parents de le laisser louper un vendredi supplémentaire pour aller soutenir sa meilleure amie.

Elle a toujours été présente à chacune de ses compétitions et quand elle a, à son tour, commencé à enchaîner les podiums, il avait déjà des impératifs lui permettant de franchir des échelons importants vers la réalisation de son rêve, l'obligeant à être absent. Physiquement du moins. Alors pour une fois que son emploi du temps le lui permet, Pierre n'a aucune excuse pour louper un championnat. Pas même les neuf heures de trajet qu'ils ont effectuées la veille.

Avant le départ, les yeux du châtain sont la dernière image imprimée sur sa rétine. Le bleu de ses pupilles se confond avec les couleurs du lac qui se trouve face à elle, et dans lequel elle s'apprête à plonger pour donner toute l'énergie qui la transcende.

Toutes les jeunes filles sont aux ordres du starter. Louise serre les poings. Elle fait le vide dans son esprit en essayant de calmer sa respiration tandis qu'elle sent son cœur s'emballer dans cette fraction de seconde qui précède le départ. Et alors que le coup de pistolet retentit, tout son corps se met en mouvement.

Son temps de réaction est expéditif. Ce n'est pas un aspect qu'elle travaille particulièrement, parce que ce n'est pas la clé du triathlon. Mais pourtant, elle s'y exerce dès qu'elle s'entraîne avec Pierre. Et c'est suffisant pour arriver la première dans l'eau fraîche.

Elle a désormais deux cents mètres pour montrer ses qualités évidentes de nageuse. Tout donner dans sa discipline dominante et gérer sa course. Ne rien regretter, mais en garder sous le pied. C'est tout le paradoxe du sport qu'elle pratique.

Dans ses pieds, trois ou quatre concurrentes. Il est évident que les écarts se sont déjà creusés au passage de la première bouée, mais peu habituée à l'eau libre, Louise est incapable de constater où elle se trouve exactement. Tout ce qu'elle sait, c'est qu'il n'y a personne devant elle. Et c'est plutôt un bon début.

La rive se rapproche. La jeune fille se remémore rapidement la succession d'actions qu'elle va devoir effectuer en sortant de l'eau. Parce que c'est l'heure de la tant redoutée transition qu'elle a répétée maintes et maintes fois pour être certaine de ne commettre aucun impair.

Ne pas tomber.
Ôter son bonnet et ses lunettes.
Rejoindre son vélo en suivant le chemin qu'elle a refait plusieurs fois en le disposant le matin même.
Déposer ses affaires à leur emplacement.
Attacher son casque correctement.
Attraper sa monture et courir pour rester avec le groupe.
Passer la ligne.
Sauter sur sa selle.
Enfiler ses chaussures et rompre l'élastique grâce auquel elles étaient maintenues en position horizontale.
Et pédaler.