cinquante-trois

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cinquante-trois.

lundi quatre septembre
deux mille vingt-trois.

Dans le couloir blanc immaculé aux odeurs aseptisées, Pierre fait les cent pas, incapable de se calmer. Dès qu'il essaye de raisonner ou de se tempérer, une nouvelle émotion fait surface.

Le choc. La confusion. L'incapacité d'assimiler l'information et toutes ses conséquences.

La peur. L'inconnu. L'incompréhension. La situation qui semble irréaliste. La perte de contrôle, aussi.

La colère. L'injustice. L'impuissance.

La culpabilité. Celle de ne pas avoir vu que son état se dégradait. Celle de ne pas avoir insisté auprès des médecins pour qu'ils effectuent des tests bien plus poussés. Celle de s'être plongé dans un déni en se persuadant qu'ils allaient trouver une solution, et que tout irait pour le mieux. Celle d'être la raison de tous ses maux. Mais de ne pas être capable de l'abandonner.

L'anxiété. Que ce cocktail d'émotions ne fait que renforcer et exacerber.

La peine. La tristesse. De la voir traverser ce moment terriblement flou et difficile.

« Pierre, souffle le monégasque en posant sur une main sur son épaule. Tu veux qu'on aille se chercher un café ? »

Il se contente d'acquiescer, se dirigeant avec son meilleur ami vers une machine située quelques mètres plus loin. Réveillé par l'arrivée des pompiers, Charles a tenu à les accompagner. Et il ne supporte plus de voir le pilote français ressasser toutes ses pensées en faisant des allers-retours devant lui. Il veut l'aider à se préserver et à garder de l'énergie pour soutenir la triathlète.

Isolée dans une pièce, la jeune femme sert les dents. Le bruit du scanner est désagréable et assourdissant. Mais il l'empêche de trop songer à tous les sentiments qui la traversent. Un tourbillon qui la ronge lentement, tuant méticuleusement chaque souffle d'espoir ou de positivité qu'elle peut tenter d'absorber. Elle tombe. Un puits sans fin. La chute est infinie. Et elle ne sait pas quand elle touchera finalement le fond.

Elle ferme les yeux, tentant de chasser ses pensées pour vider son esprit. Mais pourtant la blonde a une image imprégnée sur sa rétine. Elle se concentre sur ces yeux bleus qu'elle a toujours appréciés. Elle sait qu'ils sont en train de s'inquiéter dans la salle d'attente, luttant contre une fatigue certaine.

Et cette culpabilité est la cause de la bile qu'elle sent amèrement couler le long de son œsophage. À cause d'elle, il se retrouve à passer une nuit de plus à l'hôpital alors qu'il devrait simplement se reposer. Il devrait profiter des derniers Grands Prix en Europe pour être avec ses proches. Il devrait faire la fête. Il ne devrait pas avoir à gérer tous les problèmes qu'elle ne fait que rencontrer.

Il devrait vivre.
Vivre sans elle.

Vaseuse, Louise est étonnée lorsqu'elle est reconduite dans une chambre et non au service des urgences. Elle tente d'esquisser un sourire rassurant aux deux pilotes qui lèvent la tête vers elle. Ils demandent des nouvelles mais elle est sans réponse, le temps qu'un médecin ne passe examiner les résultats. Leurs lèvres sont pincées et elle sait qu'ils ont des informations qu'on ne lui a pas encore communiquées.

« Je suis désolé... souffle Charles. On s'est fait repéré en allant chercher un café et ta présence ici a rapidement fuité. C'est pour ça qu'ils t'ont mis dans une chambre à l'écart.

- Faut que j'appelle mes-

- Je me suis occupé de prévenir tes parents, confie Pierre, gêné. Je préférais qu'ils l'apprennent par moi. Ils arrivent. »

GLORIOUS - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant