Épilogue

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Les grains de sable volaient au-dessus du sol, emporté par un vent tiède qui soufflait sans discontinuer.

Couché sur le flanc de la dune, deux hommes emmitouflés dans des vêtements amples et ternes fixaient le désert qui s'étalait devant eux. Ainsi immobiles, ils étaient quasi invisible dans le sable. Leur visage était couvert jusqu'au-dessus du nez et leur tête abritée d'une capuche. Ils gardaient les yeux rivés devant eux, à guetter un ennemi invisible.

« Tu vois quelque chose ? demanda l'un d'eux, celui aux yeux vairons.

– Rien pour le moment, répondit l'autre. »

Le sifflement du vent contre les dunes couvrit le silence qui s'installa à nouveau entre eux. L'aube ne tarderait pas à se lever, et il leur faudrait bientôt quitter leur poste d'éclaireur qu'ils occupaient depuis quelques heures. La fraîcheur de la nuit persistait encore et rendait l'attente plus supportable.

« Là-bas, souffla soudain le plus petit. Des arpenteurs.

– Combien ? lança l'autre en mettant sa main en visière. Je ne vois rien... »

Même en plissant les yeux, un œil normal ne pouvait percer la pénombre grise de cette fin de nuit. C'était facile de louper les petites silhouettes à pieds qui se déplaçaient en zigzag dans les dunes, à quelques lieues de là. Cela aurait tout aussi bien pu être un mirage, mais l'homme qui les avait remarqué était sûr de lui.

« J'en compte six et il y en a encore cinq autres à l'est. Ils ont l'air de se diriger vers l'oasis.

– C'est leur jour de chance, railla celui aux yeux vairons en se tournant sur le dos pour se laisser glisser en bas de la pente. On y va. »

Son compagnon l'imita et ils se laissèrent glisser sur le sable. Arrivés en bas, ils filèrent dans la direction opposée aux intrus, vers un des nombreux amas rocheux qui parsemaient cette partie du désert. Ils se seraient fondus dans le décor si leur démarche n'était pas aussi saccadée et si l'homme aux yeux vairons ne trébuchait pas sans arrêt.

Quand ils eurent franchis deux dunes et s'approchèrent des monticules rocheux, le soleil perçait à l'horizon. Avant de se faufiler dans un passage précis et étroit de la pierre, l'un d'eux tendit le bras pour faire un signe particulier avec ses doigts. Rien ne se passa, et c'était positif. Le plus petit des deux débarqua en premier dans le campement caché où s'agitaient déjà des guerrières en pleine préparation. Couvertes de la tête aux pieds par des vêtements amples et discrets, aucune ne leur prêta attention. Les deux éclaireurs obliquèrent vers la plus grande tente.

Juste avant d'entrer, le plus grand ôta sa capuche et dévoila sa tête nue. Sa boucle d'oreille en or, qui grimpait son lobe comme une vigne, scintilla au soleil. Quelques perles de sueur résidaient sur ses tempes.

« Il fait déjà une chaleur épouvantable, se plaignit-il.

– Tu n'étais pas obligé de venir, tu sais, répliqua son compagnon. Et si la princesse a besoin de toi aujourd'hui ?

– Ça, aucun risque. Et puis, il faut bien se changer les idées de temps en temps. »

Sa peau hâlée contrastait avec celle de son camarade, qui avait également ôté sa capuche avant d'entrer. En dépit de plusieurs mois à fouler le sable sous le soleil assassin, Yoongi n'avait pas bronzé. Taehyung, en revanche, avait prit de belles couleurs. Quand il ne s'habillait pas pour partir en éclaireur –ce qui restait très occasionnel– il se paraît de tissus plus colorés que ceux des locaux et portait plus de bijoux que la reine elle-même.

Malgré leur statut d'étranger, tous deux s'étaient trouvés une place dans cette contrée, où tout n'était que sable et chaleur.

Leur entrée dans la tente fut tout de suite remarquée par les deux femmes qui s'y trouvaient. La plus haute gradée, une sergente dans la quarantaine qui répondait au nom de Thara, cessa de discuter avec sa subordonnée. Sous son ample vêtement grisâtre, on devinait la forme de ses spalières, mais les décorations attestant de son grade restaient dissimulées. Malgré tout, on ne doutait pas de son statut; le pommeau de son sabre dépassait du léger manteau. Sur son visage, elle arborait une horrible cicatrice qui partait du menton jusqu'à la bouche, mais ça ne l'empêcha pas d'afficher un sourire déformé en les voyant arriver.

« Sergente, salua Yoongi en s'approchant de la table de fortune où trônait une carte approximative du désert.

– Éclaireur, répondit-elle. Quelle est la situation ?

– Il y a onze arpenteurs qui se dirigent vers le sud-ouest, répondit vivement Taehyung. »

La sergente lui jeta un regard avant de reporter son attention sur Yoongi, qui se sentit obligé de préciser:

« Il y a deux groupes, un de cinq et l'autre de six. On pense qu'ils se dirigent vers l'oasis.

– Quand seront-ils à portée ?

– Dans une heure environ, estima Yoongi. Peut-être même avant. »

La sergente donna des ordres courts et rapides à sa subordonnée, et celle-ci fila hors de la tente. Puis elle hocha la tête en regardant Yoongi et ce dernier sût qu'il venait de recevoir son remerciement; il avait appris à ne pas attendre de merci formulé de vive voix, car ici, en Lugusia, la gratitude s'exprimait autrement.

« Je vous libère, éclaireurs, ordonna la sergente pour les congédier tous les deux. »

Yoongi acquiesça et sortit, Taehyung sur les talons.

« Même pas un merci, souffla ce dernier à demi-voix. Je ne m'y ferai jamais. »

Yoongi lui jeta un regard compatissant, mais Taehyung n'était pas aussi froissé qu'il le laissait paraître; au fond, il s'était sans doute adapté.

Dehors, ils prirent place sur des rochers encore à l'ombre. Tout autour, les guerrières se pressaient de plus en plus pour terminer les derniers préparatifs. Dans quelques minutes, elles se mettraient en route pour intercepter les arpenteurs repérés, mais le camp demeurerait ici avec ceux qui ne se battaient pas. C'était un des nombreux avant-postes dans ce désert qui s'étalait sur des lieues à la ronde. Ce type de campement ne restait jamais plus de quelques jours, voire semaines, à la même place. Lugusia devait non seulement résister à ses voisins hostiles, mais aussi aux arpenteurs; des bandits du désert, qui pillaient et prenaient d'assaut les oasis. Ils étaient de plus en plus nombreux depuis que la guerre contre Cegios avait officiellement éclatée.

Quelqu'un entra dans le camp par l'étroit passage surveillé. Au vu de sa tenue, c'était une messagère en provenance de la capitale. Il s'attendait à la voir filer vers la tente de la sergente, mais au lieu de ça, elle balaya le camp du regard. Quand elle posa les yeux sur Yoongi et Taehyung, elle se dirigea vers eux. Ce ne devait pas être difficile de les reconnaître; ici, ils étaient les seuls hommes.

« Vous êtes bien le pupille du conseiller Kim ? demanda la messagère en fixant Yoongi.

– C'est bien lui, approuva Taehyung à sa place.

– Que se passe-t-il ? demanda Yoongi, étonné d'être le destinataire. »

La messagère zieuta l'homme aux yeux vairons avec une perplexité qui ne dura qu'un instant. Taehyung esquissa un sourire comme pour prouver sa bonne foi, mais en voyant que Yoongi ne se levait pas pour s'éloigner, elle délivra son message:

« Le conseiller aimerait que vous reveniez au plus vite. Quelqu'un est là pour vous. »

Yoongi sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Ce n'était pas la première fois que Seokjin le faisait mander, mais ça n'arrivait qu'en de rares occasions. Alors, s'il lui demandait de revenir parce que quelqu'un l'attendait...

Un tas d'émotions se mélangeaient déjà. Principalement de la joie et de l'impatience, mais aussi beaucoup d'appréhension.

•••

Ainsi s'achève le tome 1.

Merci à toi qui lis ces lignes, que tu te sois arrêté pour commenter ou que tu sois simplement de passage. Un grand merci.

J'ai toujours eu des idées pour cette histoire, mais j'ai très souvent été frustrée par ma lenteur d'écriture. Alors je suis très contente d'en être arrivé là. Et le voyage n'est pas terminé.

Rendez-vous au tome 2 !

Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.giOù les histoires vivent. Découvrez maintenant