14.

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La fumée du feu mourant montait comme un mince fil sinueux. Elle traçait son chemin, plus haut et encore plus haut jusqu'à disparaître, dissipée par quelques brises en provenance du nord-est. Yoongi observait cette fumée s'évanouir dans la grise clarté du matin. Il était assis en tailleur, au pied d'un cèdre, près des arbres où avaient été attachés les chevaux. Les montures somnolaient encore, l'encolure bien basse et une patte en suspend pour la reposer. Les respirations des soldats parvenaient aux oreilles de Yoongi de manière différées et inégales. Il savait qu'ils étaient, lui et l'homme qui était de garde, les seuls à être réveillés dans tout le campement.

Yoongi laissa son crâne reposer contre l'écorce. Son pouce retraçait les veines du bois de l'arbalète. Elle n'était pas chargée, mais sire Jung lui avait fournis des carreaux et il les gardait précieusement à portée de main. Il ne savait pas quand il allait devoir mettre à profit sa connaissance de cet objet de mort –car c'était tout ce qu'elle était, un souvenir de mort– ni s'il allait en avoir l'occasion. Mais il espérait ne pas avoir à s'en servir.

La première lueur de l'aube pointa à l'horizon, derrière les derniers point en hauteur qui cachaient peut-être la mer. Avec elle, le soldat de garde commença à réveiller quelques hommes, puis le campement s'éveilla petit à petit. Des hommes réveillés en tiraient d'autres de leurs léthargies et ainsi de suite, jusqu'à retirer tout le monde du sommeil. Yoongi se leva de son coin à lui, quittant la mousse et l'écorce de son arbre pour aller préparer le cheval de sire Jung. Il accrocha son arbalète et le carquois à sa ceinture.

L'aube n'était pas totalement là lorsqu'il eut terminé de seller la monture, alors il s'occupa en préparant les autres chevaux et son poney. Dans le campement, les soldats s'agitaient à mesure que le départ approchait. Yoongi les regardait aller de gauche à droite, enfiler leurs armures et leurs bottes, démonter les tentes et mâchonner les seules provisions auxquelles il auront droit avant le soir. De là, ils avaient l'air désorganisés, mais le Yoongi devinait qu'ils connaissaient leurs tâches sur le bout des doigts. Certains étaient sans aucun doute très familiers avec ce type de voyage. Les marchands, quant à eux, recomptaient les caisses afin de contrôler que tout était toujours là. Ils craignaient peut-être qu'un larron se soit faufilé pour fouiller au creux de la nuit. Yoongi était presque certains qu'ils trouveraient tout à leurs places; il n'avait vu ni entendu personne de louche vadrouiller. Et il avait veillé bien tard.

La silhouette familière de sire Jung se détacha soudain des soldats agités. Il venait vers Yoongi d'un pas assuré et vit immédiatement que son cheval était prêt. Il en sembla satisfait et adressa à l'écuyer une sorte de remerciement, à moins que son signe de tête ne fut un salut. Dans tous les cas, ce fut bref. Le chevalier prit les rênes de sa monture et retourna auprès des hommes, auxquels il s'adressa d'une voix ferme pour annoncer le départ.

[...]

Hoseok fut le premier à apercevoir, au détour d'un bosquet clairsemé, la couleur opale de la mer. Il talonna sa monture, mais pas assez pour qu'elle se décide à passer au trot. Ceci dit, il gagna quelques longueurs de plus sur ceux qui le précédaient. Il les savait trop près de Cardend pour être attaqué par des bandits, aussi s'éloigna-t-il sans crainte. La ville fut la seconde chose que le chevalier vit le premier.

Étalée sur une large portion du littoral, là où se jetait le fleuve, la ville portuaire ne comportait aucun bâtiment haut. Même le temple et les enceintes, qui se voyaient depuis la grande route, ne se démarquaient pas par leur hauteur, mais par le matériau dans lesquels ils avaient été construit. Il s'agissait des mêmes pierres qu'à la capitale, et pour cause, les roches taillées provenaient toutes des carrières de l'arrière-pays. On les faisait venir et les transportait sur des lieues pour ériger temples, murailles ou châteaux selon la tradition. Ici, un paysage plus nu dominait les plaines autour des murs, au détriment des grandes et profondes forêts de l'intérieur des terres. Grâce à la Grande Route qui la reliait directement au centre du pays, Cardend profitait d'un commerce riche et varié malgré ses plaines grandement inexploitées. La ville portuaire exportait et importait les produits de la mer et les denrées troquées sur cette dernière.

Hoseok jeta un regard en arrière et s'assura que le reste du groupe suivait. En réalité, vérifier de ses propres yeux étaient inutiles puisque le groupe faisait un boucan digne d'un cirque itinérant. Le chevalier tira sur les rênes et fit signe d'accélérer la marche au soldat le plus proche, qui se chargea de transmettre l'ordre plus loin. L'astre allait bientôt plonger dans la mer.

D'un coup de talons, Hoseok obligea sa monture à repartir devant les autres. La bête souffla par les naseaux et bien que le chevalier la sentait fatiguée de la chevauchée, il savait qu'elle pouvait encore parcourir une bonne distance. C'était tout de même une des meilleures montures de l'écurie de la capitale. Il talonna encore et sa cotte de maille tinta.

Ils pénétrèrent dans la ville sans aucune embûche, malgré les nombreux passages qui ralentissaient quelque peu leur progression. Bien qu'un bon nombre de bâtisses en bois s'éparpillait et s'amassait en dehors des protections, les résidents ne semblaient pas s'en inquiéter. Hoseok songea que, depuis sa dernière venue, les occupants n'avaient pas attendus pour bâtir et s'étendre toujours plus, même en dehors des limites de la ville. Quoi qu'il soit, son groupe arrivait à la fin de son court périple.

Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.giOù les histoires vivent. Découvrez maintenant