Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.gi

20.

Ce fut avec appréhension que Yoongi s'approcha des grandes portes. Fébrile, il jeta des coups d'œil aux deux gardes postés là, de part et d'autre de l'entrée qui reliait la citadelle à la basse-cour, comme s'il craignait de se faire arrêter rien qu'en les franchissant. Ils étaient aussi immobiles que des gargouilles et ne se tenaient pas tout à fait droit, car ils s'appuyaient sur leur lance. L'écuyer veilla à ce que sa démarche n'ait l'air ni trop nonchalante, ni trop pressée, ce qu'il eut tout le mal du monde à faire. Lorsqu'il passa, aucun des deux hommes ne lui accorda la moindre importance. Yoongi s'élança alors en trottinant, dévalant la pente sans un regard en arrière.

Il courut sans s'arrêter, embrassant la bouffée d'euphorie que le vent frais portait et qui soufflait sur son visage. Au-dessus des toits inégaux, l'astre déclinait dangereusement, bien qu'il restait encore quelques heures avant que le soir ne gagne la citadelle. Et c'était bien pour ça que Yoongi courait; s'il accomplissait assez vite les tâches confiées, il aurait encore du temps devant lui pour faire ce qui lui plaisait. Il mourait d'envie d'explorer la ville et ses rues, qu'il n'avait vu que deux fois, dont une de nuit.

Les pas de Yoongi le portèrent rapidement au bout de la descente, dans laquelle s'alignait de part et d'autre de grandes demeures à colombage. Il manqua de glisser sur les pavés et déboucha sur une grande place encore bien animée, où une multitudes d'individus se croisaient. Le coeur même de la capitale. Yoongi connaissait un peu, il était passé par ici. Mais à pied, les bâtiments paraissaient bien plus grands et imposants. En serrant le parchemin enroulé dans ses mains, l'écuyer s'aventura sur la place du marché. Des étalages brinquebalants abritaient des marchands itinérants. Soies, épices et babioles attendaient de trouver un bénéficiaire tandis que les vendeurs souriaient aimablement en montrant leurs marchandises, attirant les curieux en les hélant. L'ambiance était différente de celle de Cardend, plus calme, plus ordonnée, comme si l'atmosphère de la capitale y était pour quelque chose. Le temple dominait toute cette agitation citadine. Sa façade était épurée de toute gravure et la pierre grossièrement taillée donnait un aspect ancien et humble au lieu. Il n'y avait ni fenêtre ni ouverture autre que les portes en pin, mais elles étaient catégoriquement closes. Devant elles, des cierges parfumées formaient des monticules de cire inégaux sur la pierre froide. Une initiée en allumait certains, le visage serein.

Le contraste avec la place du marché était impressionnant, si bien que Yoongi fut captivé par les pèlerins qu'il vit à genoux sur le parvis, à même les pavés et face au bâtiment. Ils étaient tous différents, bien que la plupart n'étaient plus dans leur prime jeunesse. Certains portaient des haillons, d'autres des vêtements aussi élégants que ceux que portait sire Jung. Pauvres et riches se tenaient là, dans la même posture; la paume gauche sur le front, à prier les trois dieux.

Yoongi détourna les yeux de la scène, un peu mal à l'aise. Il se demanda si son père avait rejoint Aris, mais la réponse qu'il trouva ne fut guère rassurante. Son paternel n'avait jamais accordé beaucoup d'importance aux divinités, alors Yoongi doutait que ces derniers ne se soient souciés de lui en retour.

« Excusez-moi, jeune homme, êtes-vous perdu ? demanda une voix chevrotante. »

Yoongi détacha ses yeux de la figure imposante du temple, qu'il fixait sans même s'en être rendu compte, et regarda la femme qui lui parlait. C'était d'une vieille pèlerine, aux visages creusés de rides mais rayonnante. L'écuyer secoua la tête de gauche à droite. La femme se tourna alors vers le temple, comme si elle suivait son regard avec du retard.

« C'est incroyable, non ? dit-elle de cette même voix tremblante. Je viens ici chaque année, mais le temple est toujours aussi impressionnant.

– Vous venez de loin ? demanda Yoongi.