Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.gi

03.

Les gouttelettes de pluie, si fraîches, s'écrasaient çà et là sur sa peau tiède. Yoongi était allongé sur le dos, dans la boue, mais il ne sentait plus vraiment son corps. Le simple fait d'y songer ravivait une douleur cuisante dans tous ses membres transpercés.

Et, bien que la vie le quittait à grand flot de sang, qu'il se mélangeait à la terre comme si cette dernière le buvait, que sa respiration n'était plus qu'un murmure, Yoongi était encore conscient. Il savait qu'il mourrait. Mais il n'éprouvait rien d'autre qu'une peine et une rage incommensurable.

Ses yeux ouverts fixaient le ciel grisâtre, et rien d'autre ne parvenait à ses oreilles bourdonnantes que le grondement d'un orage lointain. Le martèlement des sabots des cavaliers s'était évanoui depuis longtemps. Yoongi agonisait, longuement, et la fin ne venait toujours pas. S'il avait eut la force de bouger les lèvres, il aurait supplié les cieux de l'achever.

Mais la nature se riait de lui. Au lieu d'offrir des nuages épais et gris comme la nuit, la pluie cessa et quelques éclaircies percèrent le ciel. Yoongi sentit à peine la chaleur des rayons sur ses joues, de plus en plus froides. Il eut l'impression de ne plus avoir de souffle, et il ferma les yeux sans même sentir la lourdeur de ses paupières.

Mais rien ne vint à lui. Pas même la fin, la mort. À la place, il crut entendre des bruits de sabot dans la boue, mais ça ne semblait être qu'une illusion de son esprit dérouté. Yoongi ouvrit les paupières avec beaucoup de peine. Il ne réussit pas à distinguer correctement la silhouette qui cachait les rares éclaircies. Tout était trop flou.

Un homme était penché au-dessus de lui. Il murmura des mots qu'il ne comprit pas et, d'une caresse sur son front, effaça partiellement les troubles de Yoongi. Son cœur lourd s'apaisa soudainement, mais ça raviva des douleurs dans son corps à l'agonie. L'inconnu perçut sans doute son mal, car il se pencha plus près. Yoongi distingua alors son visage. Le cavalier à la jument blanche se tenait là, et ses yeux rougeoyants le fixaient avec une pitié étrange.

La vision de ses traits s'évanouit lorsque son visage plongea dans son cou. Yoongi sentit comme une morsure, mais dans sa condition, ce ne fut qu'un simple fourmillement. Puis la sensation s'intensifia. Il sentit une langue remuer contre la blessure. La froideur des dents plantées dans sa peau devint tiède, puis brûlante, jusqu'à surpasser toutes les autres douleurs. Le corps de Yoongi se contracta, ses muscles tressaillirent alors que ses veines semblaient envahies d'un venin mortel, comme contaminées. Il sentit les larmes lui brûler les yeux. Il suffoquait, incapable de respirer, et voulut hurler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Sa nuque lui faisait si mal que c'en était indescriptible.

Puis, enfin, tout cessa. L'étranger s'écarta, et la vue de Yoongi devint atrocement claire. L'homme qui se tenait au-dessus de lui le fixait toujours, mais ses yeux ne brillaient plus. Son teint pâle contrastait avec ses lèvres barbouillées de sang. D'un geste anodin, il extirpa un mouchoir de soie blanche et s'essuya méthodiquement le menton. Enfin, avant de se relever, il dégrafa la broche qui maintenait sa cape et posa le bijou sur le torse du garçon. Il s'adressa à lui de la même voix que plus tôt, lors de leur première rencontre.

« Ne la perds pas, dit-il. Garde-la précieusement et ne la montre à personne. »

Puis il se pencha à nouveau sur Yoongi et posa ses lèvres sur les siennes. Le contact était tiède et court. Il s'éloigna et fourra la broche dans les mains froides du garçon à demi-conscient. Il se releva et toisa le corps allongé qui le fixait de ses yeux écarquillés, en proie à un combat contre quelque chose.

« Si tu me retrouves, tu en auras un autre, promit-il. À moins que tu ne préfères des réponses à tes futures questions. »

Et sur ces mots, il s'en alla vers sa jument qui attendait sagement, monta en selle et talonna. Le cheval partit au grand galop aussitôt que ses bottes frôlèrent ses flancs.

Yoongi écouta le son des sabots jusqu'à ce qu'il lui fut impossible de les distinguer du bourdonnement dans ses oreilles. Dès lors, une étrange fatigue s'empara de lui et il ferma les yeux, se laissant sombrer.