04.

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Les chevaux piaffaient, comme effrayés par une légère odeur de charogne portée par le vent. Hoseok fronça les sourcils et observa le lointain Il n'y avait que des champs abandonnés à perte de vue, des forêts de pins et du vide. Rien qui ne mérite une attention toute particulière.

Ça faisait des jours que le jeune chevalier et son groupe étaient en route. Ils revenaient d'une investigation dans la région, au sujet de rumeurs idiotes qui terrifiaient la populace. En vérité, ce n'était pas tant pour rassurer les paysans que le suzerain les avait dépêché par ici. Il était aussi question de politique; le comte qui régnait sur ses terres n'avait pas arrêté de quémander des troupes, ces derniers temps. Soi-disant que des brigands semaient la zizanie... Hoseok trouvait ce comte bien agaçant; s'il craignait tant les canailles sur ses terres, il n'avait qu'à recruter chez lui plutôt que de demander des gardes de la cour. Quoi qu'il en soit, il avait fallu y dépêcher un groupe.

Une première mission sans nul doute ennuyeuse pour Hoseok, qui avait été adoubé il y a peu. Les rumeurs étaient ce qu'elles étaient; ils n'avaient rien trouvés, si ce n'est des témoignages insensés et une pauvre femme brûlée vive par les villageois, car soupçonnée d'être un monstre. La journée supplémentaire qu'Hoseok et son groupe avait prise pour l'enterrer selon les coutumes les avait mis en retard pour le retour au château.

Dans ces environs, il n'y avait rien de bien intéressant. Le paysage était sensiblement le même, et Hoseok, en tenant fermement les rennes de son cheval, se demanda ce qui pouvait bien effrayer leurs montures. Peut-être les loups et les prédateurs, qui commençaient à sortir de leur tanière. Le soleil était déjà bien bas dans l'azur.

« Par là-bas commandant, fit remarquer la voix d'un soldat derrière lui. Une bâtisse. »

Le commandant Jeon, qui chevauchait à la tête de la troupe, était un homme déjà bien âgé. Il avait beau être rude et assez stricte avec les hommes sous ses ordres, il avait toujours fidèlement servi son seigneur. On ne discutait que très peu ses commandements. Aussi, lorsqu'il leva son bras pour faire signe aux autres de s'arrêter, le silence fut total.

« Faisons halte là-bas, espérons que celles et ceux qui y résident acceptent de nous offrir le gîte. »

Une vague de soulagement se répandit dans les rangs des soldats fatigués; tous se réjouissaient en silence en prévision de ce moment de repos. Hoseok également, se réjouissait. Il avait de terribles crampes aux cuisses à cause de la chevauchée et les épaules fatiguées par le poids de son armure. Un logement à l'abri du vent et de la pluie ne lui ferait que le plus grand bien. Il attendait également de quoi remplir son estomac, quelques choses de chaud, si possible. Mais il avait plus que tout envie d'ôter ses bottes.

Ainsi, la petite troupe se dirigea vers la bâtisse de pierre, qui se fondait dans le décor garni de pin. Hoseok, unique véritable chevalier du groupe avec le commandant, talonna pour se retrouver à la hauteur de ce dernier. Mais plus ils approchaient, et moins Hoseok se sentait à l'aise; les chevaux ne se calmaient pas et renâclaient bruyamment. Alors qu'il s'étonnait de ne voir aucune fumée sortir de la cheminée, il remarqua les oiseaux de mauvais augure qui tournoyaient dans les cieux, au-dessus de leurs têtes. Devant lui, le commandant talonna sa monture jusqu'au grand pin devant la maison et posa un pied au sol. Immédiatement, la scène mais surtout l'odeur pestilentielle frappa les soldats.

Devant eux, dans la boue, gisait le corps d'un homme mort. Hoseok posa à son tour pied à terre. Il plaqua le creux de son coude contre son nez, puis s'approcha. Derrière lui, les autres n'osèrent pas venir trop près, car les chevaux étaient toujours très agités.

Le pauvre homme avait la poitrine perforée, sûrement par une lame. Et quelle arme cela avait-il dû être ! Il était troué de part en part. La plaie béante était immonde, déjà en pleine décomposition, rongée par la vermine alors que le reste du corps était encore intact. Ses yeux livides étaient grands ouverts et sa bouche également. Sa barbe dévorait ses joues sans vie. Une arbalète était accrochée à sa main raide, mais il manquait un carreau. Hoseok supposa qu'elle avait manqué sa cible pour que le malheureux soit dans cet état.

« Il est mort, constata le commandant, en donnant un léger coup de botte dans la jambe du cadavre. Depuis des jours, sûrement.

– Qui a bien pu faire une chose pareille ? marmonna Hoseok, la voix étouffée par le creux de son coude.

– Bonne question, répondit le commandant Jeon, l'air grave mais pas incommodé pour deux sous. Des bandits qui voulaient prendre sa maison, sa fille et sa femme, peut-être. Le bougre est mort en se défendant. »

Perplexe, Hoseok cessa de regarder cet homme mort pour laisser son regard parcourir la façade en pierre de la bâtisse. A présent qu'il la savait sans vie et probablement sans propriétaire, il la trouvait bien froide. Ça le révulsait de savoir que des événements aussi tragiques avaient eu lieu ici quelques jours auparavant, et qu'ils n'auraient rien de chaud à se mettre sous la dent ce soir.

« Regardez, un autre corps. »

Hoseok s'approcha, certain de rencontrer encore un autre cadavre, d'une fille, d'un fils ou d'une femme peut-être, mais il fut très surpris de voir le corps d'un jeune homme, allongé là, totalement immobile. Il avait l'air mort, lui aussi, et pourtant il ne portait aucune blessure flagrante. Sa peau était très pâle, salie par du sang séché et de la boue. Il n'émanait de lui aucune odeur fétide, alors le chevalier ploya le genou pour le regarder de plus près. Après une observation minutieuse de son torse, dont les vêtements arboraient de curieux trous, il remarqua que son abdomen se soulevait faiblement.

« Il est vivant ! s'exclama soudainement Hoseok à l'égard des autres. Sire Jeon, venez voir ! »

Quelques soldats se précipitèrent, mais ce fut le commandant qui prit les devant; il posa un genou à terre près du corps et enfouit sa main calleuse dans le cou du garçon. Il hocha gravement la tête, lui aussi surpris.

« Dépêchez-vous ! beugla le commandant Jeon en se relevant. Occupez-vous de ce pauvre garçon, et plus vite que ça ! »

Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.giOù les histoires vivent. Découvrez maintenant