08.

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Hoseok attendait impatiemment devant la porte, les sens en alerte et le genou tressautant. Les voix étaient étouffées par l'épaisseur du chêne et les mots étaient donc impossible à discerner. Il se serait bien approché pour écouter et saisir des bribes de discussion. Toutefois, la bienséance l'en empêchait et bridait la curiosité qui le rongeait à petit feu. À vrai dire, il n'avait pas apprécié être ainsi écarté de l'échange. Surtout au moment le plus intéressant. Lui qui était même allé chercher le garçon pour l'amener ici en personne ! Le commandant était toujours trop prudent, même avec ses propres hommes. Il ne voulait pas que les rumeurs se répandent, aussi bien dans les rangs qu'à la cour de leur suzerain.

Le jeune chevalier, un peu excédé malgré lui, croisait les bras sans jamais regarder les soldats qui passaient dans le couloir et qui lui lançaient des regards interrogateurs. Il ne leur donnait pas même la satisfaction d'être vu en retour. Il n'était pas comme eux. Ça l'agaçait de recevoir le même traitement.

Lorsque les voix s'éteignirent enfin, Hoseok guetta leur sortie. Il s'éloigna de la porte. Son dos se raidit, les traits de son visage se détendirent autant que possible. Le battant s'abaissa, la porte en chêne s'ouvrit. Sire Jeon, une main sur l'épaule du garçon, accompagna ce dernier hors de la pièce. Le chevalier croisa ses bras dans son dos, silencieux, attentif et exemplaire.

« Sire Jung, appela le chef de la garde.

– Commandant, répondit l'interpellé en retour.

– J'ai une dernière requête pour vous. »

Le chevalier parut surpris, et il l'était vraiment. Il jeta un regard au garçon, qui s'entêtait à fixer le dallage. À moins qu'il ne fixât ses pieds.

« Je suis à vos ordres commandant, affirma Hoseok, signe qu'il accepterait la requête quelle qu'elle fut. »

Il eut tôt fait de regretter ses mots. Le commandant lui annonça quelque chose qui ne lui plut qu'à moitié, si ce n'est pas du tout.

« Ce garçon n'a plus aucun parent, expliqua sire Jeon. Et il n'a plus nul part où loger. Nous ne pouvons décemment pas le renvoyer. Prenez-le comme écuyer.

– Mes excuses, bredouilla Hoseok, prit de court. Je crains de ne pas pouvoir et puis, vous n'y pensez pas...

– Bien sûr que vous le pouvez, mon brave. »

Le commandant passa une main ferme sur sa moustache drue. Il avait ce regard que le chevalier connaissait bien et qu'il n'appréciait pas voir. Cet air certain, inébranlable. Les jeux étaient fait dès l'instant où la discussion avait débutée, dès l'instant où Hoseok avait aveuglément accepté la requête.

« J'ai d'ors et déjà un écuyer sous mes ordres, assura le chevalier dans une dernière tentative.

– Ça ne fait rien, nous l'attribuerons à sire Barras. Il n'a pas pris d'écuyer depuis son adoubement. Je suis certain que vous apprendrez beaucoup à ce garçon. Comme vous vous sentiez si concerné à son sujet, j'estime que vous êtes plus à même de vous en charger. Je compte sur vous, sire Jung. »

Il parlait au futur, et il avait utilisé sa fausse préoccupation contre lui. À présent, Hoseok s'en mordait amèrement les doigts. Il se pinça les lèvres. Vaincu, il inclina la tête.

« Comme il vous plaira, commandant. »

Sire Jeon sourit brièvement et tapota l'épaule de Yoongi, lequel observait les deux hommes sans vraiment se sentir concerné. Pourtant, son avenir s'était joué pendant ce court échange. Il était passé d'une autorité à une autre, des mains d'un homme à celles d'un autre.

« Vous m'en voyez ravi, affirma le commandant avec politesse. À présent, si vous voulez bien m'excuser, j'ai à faire. »

Il salua le chevalier d'un mouvement ferme de la tête. Ce dernier fit de même, avec toutefois bien moins d'aplomb. Puis sire Jeon tourna les talons pour retourner dans son bureau, où l'attendait un rapport inachevé. Le silence s'installa en prenant toute la place qu'on lui laissait.

Yoongi regarda d'un bout à l'autre du couloir. Il vit des soldats passer à une extrémité et il entendait l'agitation qui provenait de l'autre côté, dans les tréfonds du baraquement. Les bruits lui paraissaient à la fois loins et proches. Il avala sa salive, incapable de regarder le chevalier droit dans les yeux. D'ailleurs, avait-il seulement ce droit ? Le noble finit par soupirer d'ennui.

« Te voilà mon écuyer, dit-il sans entrain. Tu sais en quoi cela consiste, au moins ? »

Yoongi haussa les épaules. À vrai dire, il croyait savoir mais il n'osait juste pas tenter sa chance, car il se sentait fatigué. Il ne désirait que s'allonger à même le sol, dans l'herbe haute du comté de Haik, et se réveiller avec l'espoir que tout ça n'avait été qu'un vilain songe. Il baissa la tête et regarda fixement les dalles inertes. L'autre prit cela comme le signe évident de son ignorance.

« Tu es chargé de t'occuper de mon cheval et de mon armure, expliqua-t-il sans une once d'entrain. Normalement, seul les gentilshommes sont nommés écuyers, car ils se destinent au rang de chevalier. Mais toi, tu ne peux guère espérer te hisser aussi haut. »

Son dédain était tel que Yoongi le sentit dans son ton. Pour une raison qu'il ignorait parfaitement, sire Jung ne l'appréciait pas ou du moins, n'avait pas apprécié l'ordre du commandant. Lui qui pourtant avait été si aimable jusque-là, qui avait parut lui accorder de l'importance. Yoongi ravala ce sentiment amer d'avoir été abusé. L'autre lui faisait comprendre, par sa posture et le venin de sa voix, que leurs rangs étaient bien différents, que la séparation était claire et infranchissable.

« Bref, lâcha Hoseok, clairement ennuyé. Retourne aux écuries et demande Berte, la femme qui t'a amené tout à l'heure. Elle t'expliquera. »

Sur ces mots, il tourna les talons et s'en alla sans un au revoir, sans une politesse. Yoongi le regarda partir de ce pas certain, de sa démarche de noble. Les bien-nés étaient-ils tous de la même trempes ? Sans nul doute. Il le trouvait bien méprisant, mais il était trop fatigué pour se décider à le haïr. Un courant d'air frais traversa le couloir. Aucun frisson ne parcourut la peau froide du garçon, qui déglutit.

Il avait toujours soif.

Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.giOù les histoires vivent. Découvrez maintenant