Vampiris Sanguinare T1 | y.seok - n.gi

27.

Il neigeait rarement dans le comté d'origine de Yoongi. Même en plein cœur de l'hiver, lorsqu'il faisait gris du matin au soir, que la terre gelait et que la pluie glaçait les os. La neige ne tombait qu'en de rares occasions. Elle ne tenait jamais car elle fondait aussitôt, s'ajoutant au givre et à la boue. Et ici, à la capitale, ce n'était pas bien différent, à quelques nuances près.

Comme le lui avait raconté le mage, le château avait été bâti sur un bloc rocheux. C'est ce qui le rendait aussi imposant qu'inaccessible, et le sol était plus caillouteux qu'ailleurs. Seule la cime des plus hauts pins se couvraient d'une neige blanchâtre, parfois chassée par le vent glacial pour venir se coller aux carreaux. Yoongi en vit donc pour la première fois après des mois depuis son arrivée, de loin, sans pouvoir y toucher. C'était son enseignant qui lui avait dit de quoi il s'agissait, ça et tout un tas d'autres choses qu'il n'aurait jamais crut savoir un jour. Yoongi n'avait toutefois pas reparlé des cavaliers.

Pendant que l'écuyer s'exerçait essentiellement à écrire, car il maîtrisait suffisamment la lecture pour ne plus trop s'en préoccuper, le mage lui parlait de tout et de rien. Il évoquait les landes glacées de Torillia, les vignobles d'Akroirisia et les sables chauds à l'autre bout du continent. Il avait aussi appris que le papier tenait sa couleur jaunâtre du type de bois qu'on utilisait pour le fabriquer et que les étoiles dans les cieux se déplaçaient d'une nuit à l'autre. Parfois, le vieil homme se procurait un objet insolite ou une carte à lui présenter. C'était bien plus que ce que sire Jung avait demandé au mage d'enseigner, et ce dernier n'était pas au courant de tout ceci, mais Yoongi ne se plaignait pas. Petit à petit, il rassemblait un savoir de surface, comme s'il grattait à chaque fois un peu plus une couche de givre sur du verre.

Yoongi cessa de regarder par la fenêtre et balada son regard tantôt à travers le petit salon, tantôt sur les feuilles étalées devant lui. Son enseignant était assis dans un fauteuil. Il consultait depuis de longs instants déjà un manuscrit avec de drôles de dessins de végétaux. Il s'agissait d'un herbier, mais Yoongi n'avait reconnu aucune des plantes qui y figuraient lorsqu'il y avait jeté un coup d'œil. Pourtant, il avait longtemps vécu de ce qu'il cultivait de sa main. Il ne comprenait toutefois pas l'utilité de représenter des fleurs qui ne poussaient même pas dans la région ou qui ne se consommaient pas. Y avait-il vraiment des personnes qui prenaient la peine de décrire tout ça ? Yoongi imaginait sans aucune peine des activités plus utiles. La chasse au rat, par exemple.

« Ces lettres ne vont pas s'écrire toute seule, jeune homme, rappela soudain le vieillard sur un ton sans reproche, sans même lever les yeux de son ouvrage. »

Yoongi marmonna une excuse et se recentra sur les feuilles devant lui, qu'il examina rapidement. Il devait recopier une page. Un exercice habituel. L'écuyer n'en avait pas très envie, là tout de suite, mais il s'y remit tout de même car plus il écrivait, plus il avait l'impression que sa main se remémorait les mouvements. Yoongi trempa sa plume dans l'encrier, y tapota le bec puis traça la suite des mots. Il fit une pause, vérifia et reprit son écriture. Dans l'air calme, seul le grattement de sa plume s'entendait, ponctué de temps à autres par le bruit discret d'une page que l'on tourne. Néanmoins, il se lassa bien vite.

Yoongi déglutit sans bruit, la gorge très sèche. Depuis quelques temps, il avait du mal à tenir jusqu'à la fin des leçons et se sentait très fatigué. Le bout de ses doigts le démangeait souvent, sûrement à cause du temps passé à s'exercer à l'écriture, et il ressentait constamment l'envie de dormir.

Le vieux maître ferma son livre et ça attira l'attention de Yoongi, qui l'observa se lever avec peine pour venir vers sa table.

« Nous terminons plus tôt cette fois-ci, annonça-t-il avant de se pencher sur son travail pour l'inspecter. Pour la prochaine fois, j'aimerais que tu rédiges encore deux pages de ce chapitre. Fais bien attention à la courbe du haut de cette lettre-ci, le geste est encore un tantinet tremblant. Le reste est parfait. »