Chapitre 8

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J'observe les alentours, on rejoint un parking dans une résidence huppée de San Francisco. La voiture stationne, je le fixe avec incompréhension. A chaque fois qu'il me propose de me raccompagner, on atterrit ailleurs. Il s'avance sans me donner des explications, je reste à ma place. Je ne bougerai pas d'un iota tant que je n'ai pas eu mes explications.  Il se retourne vers moi, figée sur place.

— C'est chez moi!
— Chez toi? Tu ne vis pas à la confrérie?
— J'y ai ma chambre et j'ai mon appartement. Tu veux bien bouger une jambe après l'autre.
Je souris.

Je le rejoins, il appuie sur le bouton de l'ascenseur, je suis toujours gênée de me trouver dans ces endroits clos avec un adorateur de Satan. On monte au dixième étage, l'ascenseur ouvre ses portes, le couloir est luxueux, je n'ai jamais rien vu de semblable. Il ouvre la porte sur un magnifique appartement.

— Tu fais quoi dans la vie pour te payer ça?
— J'ai mon business.
— Business? Est-ce que la bible le permet?
Il éclate de rire.

— Si la bible était au 21ème siècle, oui ça serait légal.
— Mais encore?
— Dans le digital. Tu veux des détails?
— Non, je me contenterai de ça.

Je déambule en faisant le tour du salon. C'est très bien décoré, il y a de  grandes baies vitrées qui apportent une luminosité à la pièce. Il me regarde faire le tour, je ne montre pas ma gêne.

— As-tu faim la religieuse?
— Une variante? Ahah que c'est drôle Satan.
Il explose de rire.

— Oui, j'ai faim.

Il se saisit de son téléphone et commande à manger.
Je garde une distance avec lui. C'est bien connu, quand un homme et une femme sont cloîtrés dans une pièce, la troisième personne est le diable. Le tentateur ne perd que rarement cette bataille.  Il revient vers moi en me déshabillant du regard, il ne m'en faut pas plus pour paniquer. Je repère la sortie pour m'y engouffrer en cas de tentative de dépravation.

— Je donnerai beaucoup pour savoir à quoi tu penses Bel.
— Pas à ce que tu crois Ex!
— On en est là à se donner des petits surnoms affectueux. C'est qu'elle se décoince la vierge Marie.
— Oh n'offense pas notre sainteté, je n'arriverai jamais à la cheville de sa pureté.
— Avec moi ça ne risque pas.
— Comment ça?

Il change de comportement et s'avance vers moi d'une démarche assurée, je recule pour éviter d'être de nouveau tentée par le malin. Je fais le signe de la croix, il éclate de rire.

— Imbaisable cette nana!

Je suis choquée par sa remarque. Mon visage doit en être le reflet à cet instant.

— Tu pourrais améliorer ton vocabulaire de débauche!
— Tu es intouchable!

Je me regarde, je suis vexée. Je ne devrais pas l'être, j'ai toujours ignoré les remarques de mes camarades. J'aime les valeurs que je véhicule, mon cœur n'est qu'amour et bonté.

— Je parie que tu t'investis dans ta paroisse?
— Oui et j'en éprouve une satisfaction.
— Décoince-toi un peu bébé!
— Bébé? C'est de pire en pire.

Il sourit d'un air malicieux, chaque mot qui sort de sa  bouche a une fonction, me choquer ou me provoquer. J'essaye de prendre sur moi, de ne pas lui montrer que ça m'affecte.  On entend quelqu'un sonner, il se dirige vers la porte, c'est le livreur.
Il pose les pizzas sur l'îlot central, sort des couverts.
Je vais pour l'aider à dresser la table quand j'entends de la musique qui se diffuse des haut-parleurs, les paroles sont scandaleuses, du rap. J'essaye d'occulter ce que j'entends pendant que je mange, mais les paroles sont une insulte à l'intégrité d'une femme. Je commence à franchement perdre patience, mes mains tapotent en signe de désapprobation, il affiche un sourire.

Je détaille son visage, sa peau n'a pas un défaut, légèrement hâlée, son nez est proportionnel au reste de son visage, sa bouche pourrait  faire succomber n'importe quelle chaste qui poserait les yeux sur lui. Je remonte jusqu'à ses  yeux, d'un bleu électrique, je pourrais facilement m'y perdre. Il m'analyse au regard qu'il me jette. Je ne suis pas la plus belle fille qu'il ait pu croiser, j'en suis convaincue. Il s'arrête sur mes lèvres, cette tension sexuelle est de nouveau oppressante. Je me concentre sur ses bras, un serpent noir me refroidit instantanément, mais ce que  je vois me pousse à continuer d'analyser son bras. Il y a inscrit une date en écriture romaine le 23/03/2014. A quoi correspond cette date? Elle doit avoir une valeur affective pour l'avoir gravée à vie sur la peau.

— J'en ai d'autres Bel!
— Hein?
— Des tatouages. Tu veux les voir?

Il se redresse et relève son t-shirt pour l'enlever. Je suis en panique, je me couvre les yeux, mais j'en ai déjà trop vu, un corps à vous damner. Seigneur, je viens bien de dire une phrase pareille.
Il éclate de rire, quand j'ouvre les yeux son t-shirt est toujours sur lui. Je suis rouge de gêne.

— Tu es magnifique quand tu rougis.

Il me fixe avec curiosité. Je ne relève pas sa remarque, on se fixe en silence.  Une fois le repas fini, il me dépose à ma confrérie.

La fleur du malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant