Chapitre 16

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Trois jours que Chad ne décroche pas à mes appels. Quand on se croise à l'université, il baisse le regard et continue son chemin. J'évite de sortir de ma chambre, Elisabeth m'a plus ou moins menacé de révéler aux autres mes fréquentations, si je racontais ce que j'avais vu dans le feu de camp.  Depuis, je m'isole, je ne mange que quand je suis seule dans la cuisine. Je ne me mélange plus aux autres, je ne côtoie que Laura. On a réussi à trouver un travail dans une chaîne de cafés. On a commencé hier, les horaires s'adaptent à notre emploi du temps. La clientèle est sympathique, tout est parfait. Ce qui me gêne, c'est l'ambiance dans cette confrérie, je ne la supporte plus.

Je suis au café en train de préparer un moka, quand Laura me montre des yeux quelqu'un. Je pose mes yeux sur Ex, il n'est pas seul. Il est au bras d'une fille qui semble être insensible au froid extérieur. Elle porte une mini-jupe, un crop-top et un gilet si fin qu'on pourrait voir à travers. Un sentiment que je ressens pour la deuxième fois ronge mon cœur.
Je me reconcentre sur ma commande, mais j'ai un pincement au cœur qui en est presque douloureux. Je demande à Laura de s'en occuper, je prends une pause.

Je me suis adossée à la devanture et je souffle un bon coup. Je récite des versets bibliques pour apaiser mon coeur.  Mais rien n'y fait, cette sensation est toujours présente. Je marche pour essayer de penser à autre chose. Mes doigts sont gelés par le froid, mais je ne ressens aucune douleur physique. La seule souffrance que je ressens est logée dans mon cœur.

— Tu vas attraper la crève.
— Tiens, un revenant.
Il me touche les mains.

— Tu es gelée!

Il enlève sa veste et me l'enfile sur les épaules, son odeur rassurante me soulage instantanément. Cette douleur semble s'être volatilisée. Il frotte ses mains sur mes bras pour me réchauffer. Une douce chaleur se diffuse en moi.

— Ma pause est terminée.  Merci pour le manteau.
— Attends Bel!
— Ce n'est pas une bonne idée.

Je retourne reprendre le service. Je ne peux pas m'empêcher de poser mes yeux sur Exton et sa cruche. Mon dieu, je n'étais que bonté et douceur. Aujourd'hui, je ne suis que  jalousie et colère. Qu'est-ce que ce Exton me fait? Je dois rester le plus loin de lui. Le mal commence à ronger mon cœur. Il va s'immiscer en moi comme un venin, atteindre mon cœur et infecter mon âme.

Après le travail, je retrouve la confrérie, je file dans ma chambre sous les masses basses des autres. J'entre dans ma chambre, je m'arrête dans mon élan. Ma chambre a été vandalisée. Ce qui est marqué sur les murs me bouleverse. Je regarde les mots qui me détruisent.

« Putain, sale pute, suceuse ».

Je craque et je fais des allers et retours dans la chambre. Je crie de frustration, j'ai du mal à respirer, ma respiration s'entrecoupe. Je suis tremblante, j'ai du mal à rester debout, je m'assois sur le lit, anéantie.  Puis, je m'allonge en état de choc. Je me saisis de mon téléphone, Chad ne décroche pas. Je n'ai personne à qui en parler et Laura est sortie avec des filles de la promo. Je pianote sur mon téléphone, je compose son téléphone.

— Bel.
— Ex.
— Tu pleures bébé? Qu'est-ce qui se passe?

Je transforme l'appel vocal en vidéo. Je suis incapable de dire ces mots à haute voix, je lui montre les murs.

— Les salopes! Prépare tes affaires, je te récupère dans vingt minutes.
— Non Ex c'est leur donner raison.
— Tu fais encore attention à ce que ces vipères vont penser de toi?
— Non.
— Alors prépare ton sac! Hors de question que tu restes une minute de plus avec ces vicieuses.

Je ne sais ce qui m'a pris de l'avoir appelée. Je me sens tellement mal que je ne réfléchis pas longtemps. J'ouvre mes placards, remplis un sac de tout ce dont j'aurais besoin à court terme. Je ne souhaite pas réagir à chaud, je vaux mieux que ça. Le plus important, c'est ce que ce je suis. Elles peuvent continuer à me calomnier, je ne répondrai pas à leurs bassesses.  En descendant l'escalier, Elisabeth explose de rire, les autres la suivent dans la moquerie. Je ne relève  pas son mauvais comportement. Je lui souris en retour. Je ne veux pas lui montrer ma peine, son sourire s'efface.

Quand je sors de la confrérie, Ex est devant en voiture, je monte en silence. On roule quelques mètres, je ne peux plus retenir mon chagrin. Je me laisse aller, j'éclate en sanglots.  Il s'arrête sur le côté, défait sa ceinture et la mienne, et m'attire à lui. Je suis assise entre lui et le volant. Mais je n'y fais pas attention, ses bras me redonnent de la force, mes larmes s'estompent. Je sens ses lèvres se poser sur le haut de mon crâne. Puis, il pose son front contre le mien.

— J'étais un démon et tu fais de moi un ange déchu.

Je relève les yeux vers lui, bouleversée par sa phrase.
Je ne réfléchis pas, je pose mes lèvres sur les siennes. Il est surpris, je l'ai pris au dépourvu, il ne réagit pas. Je me détache, je me sens tellement nulle. Je baisse la tête.  Il la relève et pose ses lèvres sur les miennes. Nos lèvres bougent en symbiose, comme deux morceaux d'un puzzle qui se complète parfaitement. Je sens sa langue s'enrouler à la mienne. Des centaines de nouvelles sensations envahissent mon corps. Sa langue se mouve à la mienne, nos lèvres s'emboîtent parfaitement. Une chaleur se répand dans mon bas ventre, ça m'effraie. On se détache l'un de l'autre, je le regarde, ébranlée. Il ne se moque pas, ne sourit pas de façon narquoise. Il  respire de façon saccadée.
Je regagne mon siège, il démarre dans un silence religieux.

La fleur du malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant