Chapitre 58

7.4K 912 18
                                    

Un an plus tard, je fête mon anniversaire d'une triste façon, on quitte l'église pour le cimetière, les condoléances s'enchaînent. Chad me tient la main, sa femme porte leur bébé dans les bras. On s'avance sous une pluie diluvienne vers l'emplacement où ma mère reposera pour l'éternité.
Elle est partie, elle nous a laissé après s'être battue des mois contre une maladie qui la rongeait de l'intérieur. On a cru à sa rémission jusqu'au bout, en priant Dieu de l'épargner, mais il l'a rappelé à lui.
Je dois porter seule ce lourd secret, elle a emporté sa charge avec elle.
Le prêtre  jette la terre sur son cercueil, Chad et moi faisons de même. Les invités nous présentent leurs condoléances. Ils quittent le cimetière pour rejoindre la veillée funéraire. Je reste quelques minutes de plus, j'ai besoin de ce temps en tête-à-tête.

— Repose en paix. Ton secret sera bien gardé.

Je rejoins la veillée funéraire, les invités se servent à manger.
Je monte et pénètre dans sa chambre, j'émets un râle de douleur, je sens son odeur, je me saisis de son gilet et l'amène à mon nez. Je hume son odeur . Je repose le gilet et me dirige vers la penderie, je prends la boite. Je m'isole dans la chambre, je prends le briquet et je brûle toutes les feuilles qui relient ma mère à ce secret. Je jette les cendres dans les toilettes.

Je rejoins la veillée, l'oncle Joe présente ses condoléances, il me prend dans ses bras. Il est au courant. Son réconfort est d'autant plus fort, qu'il a été un soutien ces derniers mois. Il a toujours été présent à mes côtés.

— Merci pour tout oncle Joe.
— J'aurais aimé faire plus.
— Tu as fait beaucoup pour elle et pour nous.

Je m'installe devant la fenêtre et j'observe la pluie.

— Tu devrais manger quelque chose soeurette.
— Je n'ai pas faim.
— Tu n'as rien mangé depuis des jours. Allez Bella.

Il pousse l'assiette vers moi, je la saisis et prends une bouchée. Les aliments n'ont plus aucune saveur, mais je mange pour ne  pas l'inquiéter plus. Il me laisse dans mon coin et rejoint Lizzy et son bébé.

— Bella a besoin d'Exton .

Je relève les yeux, j'aperçois son reflet dans la vitre de la fenêtre, je me retourne, un  an que je n'avais pas eu de ses nouvelles. Je le détaille, sa beauté me coupe le souffle, il a laissé une barbe de quelques jours, ses cheveux sont coiffés, ses vêtements sont sombres, mais il s'adapte aux circonstances.
Je saute dans ses bras, je craque, j'évacue toute la douleur de ces derniers mois, où j'ai vu ma mère s'affaiblir, souffrir et donner son dernier souffle sur ce lit d'hôpital.

— Pourquoi tu ne m'as rien dit Bella?
— Tu devais profiter de ta vie.
— Ma vie n'a aucun sens sans toi.

On reste enlacé aux yeux et à la vue de tous, mais je ne m'en préoccupe pas, je profite de ses bras que j'ai tant désirée cette dernière année. J'ai pourtant tenté de l'appeler en composant son numéro et je me suis rétractée. Je sentais que ce n'était pas le bon moment pour lui et pour moi.
On sort sur le porche de la maison et on s'assoit sur le banc . On observe la pluie en silence. Je profite de ce moment d'accalmie, loin de l'agitation de ces derniers jours, pour préparer son enterrement.
Je suis trop jeune pour être confrontée à ça, quel cercueil choisir, quelles fleurs disposer, préparer une veillée. C'est beaucoup trop pour mes épaules.

— Tu es tellement belle ma Bel.
— Très original Exton.
— Je suis là maintenant.
— Jusqu'à quand?
— Tant que tu veux de moi.

Je tourne ma tête vers lui, surprise par la tournure que prend cette journée sinistre. Est-ce qu'Exton  vient de me proposer d'être avec lui. Je n'y crois pas une seconde. Exton aime sa liberté, disparaître pour mieux revenir. Notre histoire est intense, mais courte.

— Après la veillée, viens chez moi.
— Pourquoi?
— Tu aimes toujours poser des questions auxquelles je ne répondrais pas.
Je souris.

Il s'en va, je retourne à l'intérieur pour m'occuper des invités. La mère de Bryan a fait le déplacement, elle regrette d'avoir mis un terme à leur amitié. Mais c'est trop tard pour regretter. Elle n'est plus là pour l'entendre.  La veillée se termine, on range la maison avec Chad, puis je le soulage des restes des corvées. Sa femme et son bébé ont besoin de lui.  Je suis en plein rangement quand Exton sonne à ma porte, je lui ouvre.

— Je devais te rejoindre non?
— J'ai pensé que tu aurais besoin d'aide.
— Ce ne serait pas de refus.

On emballe les derniers restes de nourriture, et on éteint la lumière de  la cuisine. On se dirige vers la porte d'entrée.  Je monte dans sa voiture et on  roule en direction de chez lui. Je me sentais si seule ces trois derniers jours, elle a laissé un vide.

— Prête ma Bella?
— Avec toi jamais.

La fleur du malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant