Ours, Contestataires et Menée Secrète 6/10

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Il était minuit ; minuit pile

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Il était minuit ; minuit pile. Le ciel en son berceau accueillait un grand troupeau d'étoiles. Dans cet endroit reculé où nul n'osait s'aventurer, le temps semblait interrompu. Dans les tréfonds d'une grande forêt, à l'est du bouquet de gratte-ciels de Solécendre, les arbres sombres et mordorés cachaient les chemins par leur densité surprenante. Il y flottait un sentiment erratique d'inquiétude qui repoussait les curieux et les intrépides. Ce n'était pas étonnant, en vue de l'histoire sordide des lieux.

Jadis fief des adorateurs de l'Hypogée, la Forêt de Liesel avait connu de nombreuses arrestations et exécutions. Les flammes des bûchers s'étaient reflétées dans le regard dédaigneux des villageois lumèniens, tandis que les cris des condamnés louant Onys —la maîtresse du mal— prenaient part à une exode infinie jusqu'aux plaines lunaires. L'événement du Culte Onysien de Liesel, de mille six cent vingt huit ; une sombre époque au parfum de chair calcinée.

La lune pleine donnait de tous ses feux, irradiant dans le voile noir de la nuit. Un bruit de feuilles froissées trancha le calme macabre de ces vierges frondaisons. Une chouette glissa son œil scintillant entre les branches, tout près d'un gigantesque bâtiment de pierres grises qui, nonobstant les siècles, se tenait encore fièrement debout. La musique entêtante de son clocher, autrefois d'usage, résonnait comme une illusion. La brise était fraîche, étouffée par les ténèbres qui engloutissaient ces bois pourtant gorgés de vie.

L'Abbaye de Liesel était un lieu abandonné depuis près de deux cent cinquante ans. Les lumèniens racontaient tout un monceau d'histoires sur cette place ô combien oppressante et mystérieuse. Autrefois habités par une abbesse et ses sœurs, ces murs saints auraient été la demeure d'Onys elle-même. La reine de l'Hypogée aurait creusé un passage entre son monde et celui des vivants afin d'y parvenir à sa guise ; selon la légende, la passerelle se trouverait dans les entrailles de cette abbaye.

On racontait également que les Onysiens, fervents adorateurs de la divinité chassée par Theros, venaient y pratiquer des rituels sacrificiels, afin de maudire et causer des maladies aux mortels.

Or, l'atmosphère actuelle semblait tout autre. Des feux de camp entouraient la bâtisse, eux-mêmes gardés par des hommes tentant de se réchauffer après la terrible pluie qui s'était abattue sur eux. L'ébriété les nouait et colorait leur gorge de rires gutturaux. Des bouteilles d'alcool vides trainaient autour du périmètre, parmi des cadavres de Vapo-Jets et de robotique morcelée. La lueur des flammes conférait une myriade de spectres dans le verre des flacons abandonnés. On aurait pu méprendre ces nuances de vert avec de l'or ou de l'émeraude. Un enchevêtrement de pièces métalliques s'empilait devant l'entrée de l'abbaye, où de larges et puissants piliers de soutien formaient un alignement tout autour du lieu.

À l'intérieur, la grande église à l'architecture, jadis d'une précision inouïe, s'ouvrait désormais sur des graffitis représentant des profils de dragons. Des vestiges de briques disloquées et des morceaux de matelas étaient couchés dans la poussière. À l'étage supérieur, une âme souffrait.

𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des DéfenseursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant