Milléïs et Sielle accoururent vers Andronika. La jeune fille s'était recroquevillée près du grand saule de la cour. Cachée sous ses tiges basses et longilignes, elle déversait les torrents de sa peine. Bien qu'illusoire, l'arbre formait pour elle une sorte de protection rassurante contre les regards des autres. D'un œil échangé, Milléïs et Sielle allèrent l'accoster, chagrinées.
— Andronika ?
— J'ai été si bête... J'aurais dû t'écouter, Milléïs. J'ai cru si fort que... non, ça n'aurait jamais pu marcher. Je maudis mon romantisme candide ! Comment ai-je pu croire qu'un garçon aussi beau et riche s'intéresserait à une fille comme moi ? Je ne suis qu'une imbécile et là, tout le monde va se moquer de moi, sanglota Andronika en séchant ses larmes.
— Non, personne ne va se moquer de toi ! la rassura Milléïs en s'agenouillant devant elle. J'y veillerai personnellement ! Il ne faut pas te décourager parce que Lascan t'a humiliée devant tous les élèves... Bon, vu comme ça, ça peut être dur à avaler, mais sache qu'il n'est qu'un idiot de première avec autant de sensibilité qu'une porte de placard à balais. Il ne sait pas ce qu'il perd avec toi. Tu as tout le temps de tomber amoureuse !
Il était fort énervant pour Milléïs de voir les grosses larmes que son amie déversait pour les beaux yeux de Lascan et son nez en pic rocheux. Elle était tellement emportée par l'indignation et cet outrage aux sentiments féminins qu'elle en oubliait presque d'être réellement triste.
Andronika, elle, renifla bruyamment et souleva ses yeux embrumés vers les deux filles lorsque Sielle s'approcha.
— Je suis sincèrement désolée de l'attitude de mon frère. Il a du mal à laisser parler ses sentiments et faire preuve de gentillesse. Ce n'est pas uniquement contre toi...
— Il m'a dit que j'étais disgracieuse !
— Tu sais, notre père nous a élevés dans l'optique de toujours se sentir supérieurs aux autres à cause de notre nom. Les gens non-issus de la noblesse ne sont que des misérables, tels sont ses mots cruels. Lascan a toute sa vie respecté ses paroles à la lettre, mais moi... Je pense que notre nom n'est rien d'autre qu'une apparence que l'on nous donne. Un masque derrière lequel nous cacher. La réussite de mon père n'est pas due à son nom, mais à son talent. Par contre, le comportement de mon frère est dû à cela. Au fond de lui, je sais qu'il étouffe sa véritable nature, son véritable ressenti derrière cette facette désagréable et haineuse. Il veut absolument être reconnu par notre père, pour que celui-ci voit sa vraie valeur. Il a toujours ce besoin fort de s'améliorer, de viser plus haut, puis de se satisfaire à sa manière de sa performance.
— Mais... Et toi dans tout ça ? dit la pleureuse.
— Moi... ? Je ne suis pas aussi talentueuse que mon père le voudrait. Pour Lascan et lui, je ne suis qu'un boulet, une personne trop empathique et encline à la docilité. On ne peut pas fuir ce que l'on est, et je sais qu'ils auraient sans doute préféré que je n'existe même pas...
VOUS LISEZ
𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des Défenseurs
FantasyArchipel d'Enkkorag, 1877. Dans un monde où les engrenages côtoient les énergies solaires et les cités homériques, Milléïs évolue. Dès son plus jeune âge, elle nourrit une ambition : protéger les autres, servir la justice et lutter contre le mal. Dr...