♢ 6 Octo 1878 ♢
Trois jours avaient passé depuis l'incident de Kettlesbarrow. Par un beau matin, alors que l'aurore venait à peine de se lever, Milléïs était déjà debout. Elle avait petit-déjeuné en silence, puis était partie se toiletter et s'habiller dans sa chambre. Ayant conscience de la petitesse de sa pièce personnelle, la jeune fille s'était amusée à la décorer avec un goût qui ne plaisait apparemment qu'à elle. Parfois, les clients d'Icencia, pour la remercier de ses livraisons, lui offraient des bricoles comme des plats en céramique, des tableaux et des babioles sans importance.
Milléïs était toujours heureuse de recevoir une petite sculpture en bois, une affiche d'un groupe musical qu'elle ne connaissait pas, ou bien quelques fleurs en métal faites à la main. Draval lui avait souvent dit que rien ne concordait, mais c'était cette mixité qu'elle affectionnait tout particulièrement. Ce fatras lui donnait une apparence unique et chaleureuse.
En ajustant son uniforme noir et beige sous les yeux de Spoon, encore entremêlé dans les draps du lit, l'adolescente se préparait à rejoindre son point de rendez-vous imposé par le MAJE : le Défensariat de Solécendre. Face à son miroir, elle termina d'attacher le dernier bouton de son gilet, puis se tourna vers son Animaltronique.
— Tu es prêt, Spoon ?
La souris émit un petit couinement en frottant ses minuscules pattes sur son museau. Milléïs la saisit et la rangea dans sa poche gauche. Sur sa table de chevet, le Dodécaèdre d'Arktis dormait sagement. Elle ne l'avait pas réouvert depuis son retour du pensionnat. En l'attrapant, la jeune fille sourit en imaginant son Méca-Condor voler librement à travers le ciel. Il devait être à l'étroit, compressé ainsi ; il devait mourir d'envie de se dégourdir les ailes. Elle le plaça dans sa poche droite, puis se rendit dans le couloir.
Doucement, elle se dirigea vers la chambre de sa mère et entrouvrit la porte.
Icencia dormait encore, bien trop épuisée par les nombreuses livraisons de médicaments qu'elle enchaînait chaque jour. L'apothicaire néoflorien, pour lequel elle travaillait, l'envoyait à des adresses parfois situées à l'autre bout de la ville. Milléïs avait conscience que sa mère vieillissait, qu'elle perdait lentement de sa vigueur d'autrefois, comme rouillée par la pluie de l'âge. Elle ne lui en voulait pas, Icencia méritait amplement ce repos. Même si elle n'était pas là pour l'escorter à la porte, Milléïs savait que sa mère le serait par la pensée et le cœur.
Elle passa prendre Draval qui l'attendait devant chez lui.
Sur le dos d'Arktis et Écho, le duo survola la ville jusqu'à l'arrondissement nord, près du district noble. Le Défensariat de Solécendre était en tout point impressionnant. Entouré de lances forgées, c'était un bâtiment de forme ovale montant sur trois étages. Entièrement revêtu de briques et agrémenté d'énormes rouages en marche alimentant ses nombreux mécanismes, c'était un lieu hautement symbolique pour chaque Défenseur. Au-dessus de ses deux portes de fer automatisées, le blason de l'archipel était exposé avec en dessous, une série de lettres métalliques oxydées par les années.
VOUS LISEZ
𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des Défenseurs
FantasyArchipel d'Enkkorag, 1877. Dans un monde où les engrenages côtoient les énergies solaires et les cités homériques, Milléïs évolue. Dès son plus jeune âge, elle nourrit une ambition : protéger les autres, servir la justice et lutter contre le mal. Dr...