Cinq jours passèrent. Une pluie infernale frôlait la terre ensommeillée de Lumènia. D'épais nuages anthracite surplombaient l'horizon, de majestueux étalons célestes qui pleuraient sur le monde dans une mélodie sonnant l'arrivée de l'automne en grandes pompes. Un orage imminent avait été annoncé. Une odeur bien particulière avait imprégné l'air ; la saveur unique de l'enfance, des balades en forêts, de l'écorce mouillée, des mûres sauvages et des sourires échangés. Le pétrichor dans toute sa splendeur.
Durant ces jours où il était interdit de mettre le nez dehors, les adolescents participèrent à un entraînement de combat au corps à corps avec Miss Dahiri. Elle jugea que la grande salle de bal était parfaite pour ça. Jadis, d'usage lors des fêtes au château, son sol miroitant avait accueilli la noblesse enivrée par leurs valses langoureuses. Ils étudièrent également l'histoire de leur patrimoine à la bibliothèque. Monsieur Rhonarick fut extrêmement satisfait de voir les bons résultats des enfants lors de leurs oraux, au cours suivant.
Pour récompenser leur travail acharné, Madame Dungarron leur prépara de délicieux laits miellés et des Chocmuls : de succulentes pâtisseries à la farine de noix d'arcmul glacées de chocolat noir. Spoon n'en manqua aucune miette.
Sielle se sentait en sécurité dans la bibliothèque, elle qui était terrifiée par l'orage depuis toute jeune. L'encre noire la rassurait, elle la laissait guider ses rêves et lui procurait une sensation de bien-être. L'héritière avait toujours voulu écrire un roman, emprisonner ses gouttelettes d'imagination entre des pages vierges. Elle, la fille qui, à force de se taire et de se fondre dans la masse, avait besoin de briller de sa propre lumière ; comme les éclairs à l'extérieur. Cette plume délaissée qui ne trouvait refuge que dans les aventures de ses héros fictifs. Oui, elle voulait créer, ériger et écrire la trame d'une vie. C'était bien plus passionnant que de combattre.
Plus tard, Milléïs et Draval allèrent rendre visite à Arktis et Écho, remis à neufs dans l'Atrium du pensionnat, par Monsieur Cumberstone et Monsieur Norixius. Lorsqu'ils virent leurs maîtres, les deux oiseaux mécaniques les entourèrent de leurs ailes, en signe de bienvenue. Milléïs riait aux éclats, heureuse de voir que son nouveau compagnon se portait bien. Draval, lui, s'esclaffait en sentant le bec fuselé d'Écho qui jouait dans ses cheveux. D'après Cumberstone, eux aussi étaient contents que leurs propriétaires soient sains et saufs.
Lorsqu'une accalmie climatique survint, le binôme sortit prendre l'air avec ses amis afin d'embêter les Orvelles du pensionnat. Ces gallinacées très réputées sur l'archipel donnaient de bons œufs frais que les employés allaient recueillir tous les matins. Elles étaient des créatures très farouches qui fuyaient au moindre rapprochement de l'homme, tout en poussant des gloussements stridents —ce qui ne facilitait pas leur capture. Elles étaient caractérisées par leur plumage mordoré aux multiples taches noires et blanches, leur queue en éventail, leur cou ridiculement long et leurs gros yeux dénués de toute forme d'intelligence.
VOUS LISEZ
𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des Défenseurs
FantasyArchipel d'Enkkorag, 1877. Dans un monde où les engrenages côtoient les énergies solaires et les cités homériques, Milléïs évolue. Dès son plus jeune âge, elle nourrit une ambition : protéger les autres, servir la justice et lutter contre le mal. Dr...