— Il est tard, vous devriez rentrer chez vous, maintenant. Vous avez grand besoin de repos. Soyez au Défensariat à sept heures tapantes demain matin ! Vous avez bien travaillés, les bleus...
Les paroles de Laliza tournaient en boucle dans la tête de Milléïs. D'un côté, elle était fière d'avoir eu les éloges de cette fille si impressionnante. Mais de l'autre, se lever avant sept heures pour ne pas être en retard, ce n'était pas la plus réjouissante des nouvelles.
Il était trois heures du matin, enfin l'équipe était dissoute pour le moment.
Les Lockspear étaient rentrés chez eux et le modeste binôme remontait les quartiers à pieds. Quelques lampadaires illuminaient leur chemin nocturne, tandis que le chant des grillons apportait à l'atmosphère une certaine sérénité que nul ne pourrait faner.
Solécendre était calme à cette heure-ci, même un peu trop. À l'entour d'une ruelle, Draval sursauta en écoutant un bruit suspect qui s'avéra être la course d'un chat errant. Milléïs rigola doucement ; Draval et ses peurs... Toute une histoire ! Elle se souvenait sans peine des contes de fantômes qu'elle adorait lui raconter enfant, lorsqu'il venait dormir chez elle. Son malin plaisir était de le voir pâlir et crier de terreur au moment où elle lui disait que le spectre se tenait dans son dos. L'amusement s'évanouissait à grandes lampées lorsqu'Icencia déboulait dans leur sanctuaire, en robe de nuit, furax de les voir encore debout.
En y réfléchissant, Draval était resté le même. Il avait simplement arrêté de croire que le fantôme le suivait.
Lorsque le rire de Milléïs cessa, Draval repensa silencieusement à sa soirée. À l'interrogatoire et aux révélations de Lahik, mais surtout... À ce nom : Jobal Zelior. Étonnée qu'il n'ait pas grommelé à ses moqueries amicales, Milléïs se tourna vers son meilleur ami.
— Dis... Quelque chose ne va pas ?
— Je réfléchissais... répondit-il, après une seconde.
— J'ai cru remarquer, tu ne m'as pas décroché un mot depuis notre départ.
Devait-il lui faire part de son souvenir ? En aurait-elle gardé une trace au fond d'elle ? Milléïs n'avait pas posé plus de questions que ça au Défensariat. Sa fatigue et son expérience du soir devaient embrumer et peser sur ses facultés mnésiques.
Ne sachant comment engager le sujet, Draval se gratta nerveusement la tête et privilégia la franchise.
— Tu te souviens de Jobal Zelior ?
Les sourcils de Milléïs se froncèrent.
— L'homme dont Laliza et Yoghran parlaient au Défensariat ? Le chef du gang ? demanda-t-elle, afin d'être sûre.
— Oui. Nous l'avons déjà rencontré...
— Quoi ?
La surprise fut de taille lorsque son ami s'arrêta face à elle, la mine dévoilant une étrange tristesse. Planté sur la rue, il lui montra la cicatrice à son arcade. Il ne suffit que d'une seconde à Milléïs pour que la réminiscence fatale ne lui revienne. À travers les yeux de Draval, deux miroirs du lointain, elle revoyait leur enlèvement.
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𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des Défenseurs
FantasiArchipel d'Enkkorag, 1877. Dans un monde où les engrenages côtoient les énergies solaires et les cités homériques, Milléïs évolue. Dès son plus jeune âge, elle nourrit une ambition : protéger les autres, servir la justice et lutter contre le mal. Dr...