Prologue

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ELISABETH

Lassée par ce voyage, je soupire et m'affale sur la banquette du carrosse qui me conduit à Versailles, profitant d'y être seule pour envoyer les bonnes manières par la fenêtre. Une mèche de mes cheveux s'étant détachée de ma tresse, je souffle dessus et ris quand elle retombe mollement sur mon visage. Je donne ensuite deux coups contre la structure pour interpeller le cocher.

— Sommes-nous bientôt arrivés ? lui demandé-je en criant assez fort pour me faire entendre.
— Dans une dizaine de minutes, mademoiselle.

Je soupire une nouvelle fois et fixe encore devant moi, comme ces deux dernières heures. J'ai hâte d'arriver à destination, non seulement pour revoir ma grande sœur qui me manque tant et avec qui, désormais, je vais pouvoir rattraper le temps perdu, mais également pour débuter ma nouvelle vie à la cour. J'espère que je serai heureuse comme l'est Louise et que je trouverai rapidement un mari, sinon Père ne tardera pas avant de me rapatrier à la maison et me forcer à épouser un homme qu'il aura choisi lui. Ce que je ne peux concevoir. Louise a été trop malheureuse avec Robert, je ne veux point vivre ce qu'elle a vécu, je ne le supporterai pas. Me ferais-je des amis là-bas ? Pourrais-je encore jouer du piano, cette passion si dévorante que je n'arrive pas à m'en détourner plus d'une journée ? Oui, je le pourrai encore, ma sœur a sans doute les mesures nécessaires, connaissant mon amour pour cet instrument. Et... Oh mon Dieu ! Vais-je avoir la chance de rencontrer Jean-Baptiste Lully, ce compositeur et musicien de génie que j'idolâtre ? Je crois savoir qu'il est encore à la cour, ce serait incroyable de me retrouver dans la même pièce que lui ! Et le Roi, m'appréciera-t-il ? Entrerais-je dans ses faveurs comme ce fût le cas avec ma sœur ?
Calmez vos ardeurs, ma fille, entends-je Mère me sermonner.

— On arrive, mademoiselle Brailly, m'informe le cocher.

Aussitôt, je me précipite à la fenêtre et plante mon regard dans le paysage. Très vite, j'aperçois la cour d'honneur du château, surplombé par cette grille majestueuse tout en or avec, à plusieurs endroits, l'emblème de notre Roi. Oh, je suis déjà venue ici une fois il y a cinq ans pour le mariage de Louise et d'Antoine, mais lorsque je pose de nouveau mes yeux sur cette beauté, je me rends compte que ma mémoire avait flanché et que ce n'était point pareil dans mes souvenirs. Non, en réalité, c'est tellement mieux, tellement plus beau, tellement plus magique. Derrière cette cour, un grand bâtiment, de couleur rose pâle, je dirais, qui est un vestige de l'ancien château construit par feu Louis XIII. Sur le toit, des dorures spectaculaires desquelles je n'arrive pas à détourner mes yeux. C'est tout simplement... magistral. En face de moi, au premier étage, la chambre du Roi et en bas, la cour de marbre, en noir et blanc, tout aussi splendide. Et dessus, j'aperçois Louise et, à côté d'elle, son époux. Mon sourire se fait large.
Une secousse me fait comprendre que le carrosse s'arrête et quelques secondes plus tard, le cocher m'ouvre la porte. J'attrape sa main qu'il me tend et descend les quelques marches. Louise est là, les deux mains posées sur son gros ventre de femme enceinte et Antoine est à ses côtés, tout proche, comme protecteur. Que j'aimerais un époux qui me regarde comme il le fait avec elle...

— Louise ! m'exclamé-je dans un cri strident avant de lui sauter dans les bras.

Mais la barrière de son ventre me fait me souvenir qu'elle porte la vie. Je m'écarte pour ne point lui faire mal.

— Je suis si contente d'être ici ! m'enjaillé-je. J'ai attendu ce moment depuis si longtemps !

Et pour cause, Père et Mère ne voulaient pas me laisser venir vivre ici, une chance pour moi que Louise ait réussi à les convaincre. De toute façon, j'ai vingt ans désormais et même si je suis toujours sous le joug de mes parents jusqu'à mon mariage, je compte bien profiter de cette liberté absolue.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant