Chapitre 19

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« [...] Il faut de l'adresse pour s'aimer », Blaise Pascal

EDOUARD

Pour la troisième fois en l'espace d'une demi-heure, je rate ma note.

— Eh bien, Edouard, cela faisait longtemps que vous n'aviez point joué comme un pied, dénonce ma petite sœur en sortant de sa chambre. 

Je soupire et repose mon violon avant de m'affaler sur le divan. Elle a raison, je joue très mal et ce, depuis des jours. Quand ce n'est pas les notes que je rate, c'est mon archet que je fais tomber sans cesse. C'est une vraie catastrophe.

— Que vous arrive-t-il ? Vous êtes morose depuis des jours, me demande-t-elle en s'asseyant à côté de moi. C'est votre convocation dans le cabinet du Roi qui vous rend ainsi ?

Le lendemain de mes coups échangés avec le Duc de Valois, j'ai reçu une convocation par le Roi qui demandait à me voir prestement. Pas totalement remis de ma crise de la veille, ma sœur voulait que je m'excuse auprès de lui en lui disant que j'étais souffrant, mais je ne pouvais pas faire cela alors j'y suis allé.

— Non, je... il n'y aura pas d'incident, en réalité, il me paraissait préoccupé par autre chose. Je...

Je prends ma tête entre les mains et soupire encore. Ce n'est que lorsque je relève la tête que je remarque qu'elle est apprêtée.

— Vous allez quelque part ? l'interrogé-je.
— Je... j'allais sortir me promener dans les jardins, mais cela peut attendre. Dites-moi ce qui vous tracasse.
— Je n'ai point de nouvelles d'Elisabeth depuis près de cinq jours.
— Oh, fait-elle.
— Je... je crois qu'elle m'en veut, avoué-je. Et je... je m'en veux pour cet élan d'impulsivité, mais je...

Je pose mon regard marron et insistant sur elle.

— Vous qui êtes son amie, vous savez quelque chose ?
— Non, absolument pas, me répond-elle trop rapidement pour que ce soit la vérité.
— Anna'... Si vous savez quelque chose, je vous supplie de me le dire, je ne supporte plus ce silence de sa part.
— Je...

Elle apporte sa main à ses lèvres et se ronge l'ongle de l'index, chose qu'elle ne fait que lorsqu'elle n'est pas du tout à l'aise et si elle adopte cette attitude avec moi c'est que, en effet, elle sait quelque chose et ce qu'elle va me dire ne va certainement pas me plaire.

— Anna', la pressé-je.
— Bon d'accord, cède-t-elle. Je... je lui avais promis de ne rien vous dire, mais... cela me tue de vous voir ainsi. En réalité... Sa sœur a perdu l'enfant qu'elle portait. Elle... l'a mise au monde trop tôt, il n'a pas survécu.

Choqué par cette révélation, je ne trouve pas les mots. Mon Dieu, c'est horrible... Le Duc et la Duchesse doivent être dévastés...

— Elle s'en veut, poursuit ma sœur. Elle pense que c'est de sa faute, à cause des disputes qu'elle a eu avec elle et... elle reste principalement vers elle, pour la soutenir. C'est... elle que j'allais rejoindre dans les jardins.
— Alors allez-y, elle a sans doute besoin de vous.
— Mais vous aussi, Edouard, et vous êtes plus important que n'importe qui.
— Anna'... allez-y, ne vous en faites pas pour moi.

Elle se lève, s'apprête à partir, mais au dernier instant, se retourne vers moi, le sourire aux lèvres.

— Vous savez quoi ? C'est vous qui allez la rejoindre.
— Comment ? demandé-je avec étonnement.
— Nous nous sommes donné rendez-vous au labyrinthe.

Je souris en repensant à ce lieu qui a été celui de ma première crise ici, mais également notre première rencontre sans animosité.

— ... pense que ça lui fera plaisir de vous revoir, finit ma sœur.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant