Chapitre 21

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« Nos désirs les plus doux ne vont pas sans tristesse », Pierre Corneille

EDOUARD

Voilà maintenant deux semaines que je n'ai ni vu, ni parlé à Elisabeth, elle me manque affreusement. Les seules fois où je l'ai croisé, c'est à la messe de 10h, mais son ignorance me mettait à terre chaque fois. Pourquoi est-elle comme cela avec moi ? Sa sœur a perdu son bébé et elle pense que c'est en partie de notre faute, mais... Pourquoi autant de rancune ? Elle ne peut nier qu'on passait du très bon temps ensemble, impossible qu'elle ait oublié ces moments derrière le rideau du Salon d'Apollon et celui lors de ma deuxième leçon de piano, nous étions trop connectés pour que cela n'ait pas eu un sens. Je ne comprends pas comment peut-elle renoncer ? Est-ce l'état de sa sœur qui dicte ses réactions ? D'ailleurs, comment se sent-elle ? Va-t-elle mieux ? S'est-elle remise de cette perte ? Cela me rend fou, mais pas plus fou que lorsque j'ai compris, après plusieurs jours d'attente, qu'elle ne répondrait pas aux lettres que je lui ai fait transmettre. Alors c'est ainsi, elle a décidé de me rayer purement et simplement de sa vie sans même un semblant d'explication ? Je le savais, que je n'aurais jamais dû m'attacher !  À cause de cela, je n'arrive même plus à mener à bien ma mission. Lorsque je retrouve le Roi de France dans son cabinet pour que nous parlions de notre affaire, je n'y mets pas beaucoup de volonté et mon propre souverain ne semble pas content des réponses que je lui donne dans mes lettres.
La porte des appartements s'ouvre. Les coudes sur les genoux et la tête entre les mains, je la relève et fait face à ma sœur qui rentre de son travail quotidien chez Madame de Maintenon ? Il est déjà 19h ? Je n'ai rien fait de ma journée et pourtant, celle-ci est passée très vite.

— Vous avez passé une bonne journée ? lui demandé-je en me relevant pour lui embrasser le front.
— Oh oui, Françoise et moi avons beaucoup discuté, nous sommes allés nous promener, aussi. Elle m'a montré la ménagerie. Vous l'avez déjà vu ?

Je secoue la tête.

— Oh, Edouard, c'est merveilleux tous ces animaux exotiques ! Je n'en avais jamais vu et je ne pensais pas que c'est ici, en France, que je ferai leur rencontre. C'était une visite extraordinaire.

Je lui souris, heureux qu'il y ait au moins l'un de nous deux qui a eu une journée agréable et la prend contre moi avant de la serrer fort comme si j'avais peur que, elle aussi, elle m'échappe.

— Ce n'est pas encore la forme ? devine Annabeth.

Je secoue la tête.

— Toujours aucune nouvelle d'Elisabeth ?
— Non... Cela me rend fou. J'aimerais au moins savoir si elle va bien. Le savez-vous, vous ?

Elle s'écarte un peu, prend mes mains dans les siennes et nous assoit sur le divan.

— Je... À vrai dire, j'évite de passer du temps avec elle, j'ai trop peur de vous blesser. Mais... il n'est pas rare que je la croise chez madame de Maintenon. Comme aujourd'hui.

Mes yeux s'illuminent.

— Vous avez discuté avec elle ?

Elle hoche la tête.

— Comment va-t-elle ?
— Ça m'a l'air d'aller. D'après ses dires, la Duchesse semble aller un peu mieux, même si elle pleure encore beaucoup. Je n'étais pas censé entendre, mais... Je crois l'avoir entendu dire à Françoise qu'elle ne se sentait plus aussi coupable de cette perte. Il semblerait que sa sœur lui ai dit que cette grossesse a toujours été difficile et que le jour de la perte, ce n'était pas la première fois, qu'elle était prise de douleur.

Son aveu me fait froncer les sourcils. Mais alors dans ce cas... Pourquoi n'ai-je aucune nouvelle de sa part ?

— Est-ce que... (je déglutis) le Duc et la Duchesse lui ont interdit de me voir ? Ce qui expliquerait son ignorance envers moi.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant