Chapitre 9

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« La musique adoucit les moeurs », Proverbe

ELISABETH

Les yeux plantés sur la fenêtre, je regarde avec émerveillement le ciel noir, parsemé de points lumineux et de la lune, pleine, qui règne en Majesté. J'adore la nuit. Lorsque j'étais encore chez mes parents, il n'était pas rare que lors de soirées comme celle-ci, je sorte dans le jardin. Et ce soir, c'est exactement ce que j'ai envie de faire. La nuit est belle. Louise n'est pas encore très en forme, elle lit dans leur lit avec Antoine à ses côtés, toujours aussi protecteur tandis que je suis allongé à plat ventre sur mon propre lit en train de tenter de composer la musique que j'ai commencé il y a quelques jours, bien que le faire a capella sans m'aider du piano est compliqué. Mais comme il se situe dans la pièce principale des appartements et que ma sœur a besoin de calme et de repos, je ne veux point la déranger.
Louise serait d'accord pour que j'aille me promener dans les jardins à cette heure-ci ? Oh, j'espère qu'elle le sera, ils doivent être magnifiques, uniquement éclairés par la lune.
Je descends de mon lit et ouvre la porte qui sépare nos deux chambres pour me retrouver dans la sienne. Ma soeur quitte son livre des yeux et me sourit. Contrairement à ce que je pensais, aucune trace de mon beau-frère.

— Antoine n'est pas là ? demandé-je.
— Oh, il revient vite, Philippe avait besoin de lui. Vous allez bien ?
— Oui, parfaitement. Je... (je tords mes doigts), je me demandais si je pouvais me rendre dans les jardins ?
— À cette heure-là ? s'étonne-t-elle.
— Je le faisais souvent quand j'étais encore chez Père et Mère.
— Ne fait-il pas un peu froid ? Nous ne sommes qu'en mars, les nuits sont encore fraîches.
— Oh, avec un bon manteau, ça va aller. Alors, je peux ? m'impatienté-je.
— Si cela vous fait plaisir, mais il n'est pas question que vous sortiez seule, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer.

Je fais la moue.

— Louise, je ne suis plus une enfant.
— Je le sais et j'ai confiance en vous. Aux autres, un peu moins. J'aimerais bien venir avec vous, mais mon dos me fait souffrir, je préfère me reposer. Mais Antoine vous accompagnera une fois de retour. À une condition.

Je hausse un sourcil, curieuse.

— Que vous me disiez pourquoi vous souriez ainsi depuis hier.

Mes lèvres s'étirent en repensant à Edouard. Louise me tend la main, je la rejoins dans le lit et me colle à elle, comme nous l'avons fait si souvent quand j'étais encore une très jeune enfant et qu'elle n'avait pas encore quitté le foyer.
Je n'arrivais pas à lancer le sujet, mais maintenant qu'elle me tend une perche, je ne peux plus reculer. J'inspire, expire et annonce :

— J'ai rencontré un homme il y a quelques jours. Un musicien.

Son sourire s'élargit, ses yeux pétillent de joie.

— Oh. Et alors, la suite ?
— Et bien... il me plaît, et je ne pensais pas que c'était réciproque, mais hier, il est venu s'excuser pour son comportement et Madame de Maintenon m'a assuré que ça l'était.

Elle me serre contre elle, heureuse. Puis, tout à coup, elle s'écarte et me regarde intensément.

— Attendez, ce ne serait pas l'homme avec qui vous avez dansé à la Soirée d'Appartements ?
— Si.
— Si je me souviens bien, il vous a laissé en plan pendant une danse, remarque-t-elle.
— En effet, mais il est venu s'excuser hier et je lui ai pardonné son comportement.
— Vous êtes bonne, ma sœur. Comment s'appelle-t-il ?

J'hésite quelques instants.

— Edouard Godwin.

Son sourire fond comme neige au soleil. Sa réaction me déconcerte.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant