Chapitre 16

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EDOUARD

J'ai la sensation que ma relation avec Elisabeth a pris un autre tournant depuis qu'elle est venue pleurer sur mon épaule après une dispute avec sa sœur, il y a quatre jours. Enfin, c'est ce que je croyais car depuis, elle s'avère distante, passant davantage de temps avec ma sœur qu'avec moi et ne me proposant pas une date pour ma seconde leçon. Peut-être me suis-je fourvoyé à son sujet. Non, ce n'est pas possible, sinon pourquoi ce serait dans mes bras qu'elle serait venue trouver refuge après sa querelle avec la Duchesse ? Peut-être que c'est justement à cause de cette dispute qu'elle s'est éloigné de moi ? je l'ignore, mais cette distance ne me plaît plus, elle m'horripile, même, je dirais. Et ce matin, quand j'ai été convié au conseil du Roi pour que lui et moi parlons de notre affaire, j'ai bien cru qu'il allait m'enguirlander à cause de mon inattention. Les pleurs d'Elisabeth dans mes bras m'ont embrouillé le cerveau et comme ce soir il y a un bal masqué, j'ai bien l'intention de ne pas laisser ma chance et de profiter de cette soirée pour lui extorquer des informations. Si elle ne veut plus rien à voir avec moi, qu'elle me le dise, au moins, que je sache et je ne reste pas comme un idiot à espérer je ne sais quoi.

— Que pensez-vous de ma tenue ? m'interpelle la voix de ma sœur en entrant dans la pièce principale.

Je me détourne du miroir dans lequel je me regardais et plonge mes yeux sur elle. Habillée d'une robe bleue et coiffée d'un chignon élégant à la française, ma petite sœur brille de mille feux.

— J'en dit que j'aurais intérêt de monter la garde, si je ne veux que n'importe quel homme vous approche, réponds-je.

Elle rit et s'approche de moi pour arranger mon col.

— Le style français vous va très bien, Edouard, me complimente-t-elle. C'est pour Elisabeth que vous vous êtes fait si beau ?

J'arque un sourcil.

— Oh, ne faites pas l'innocent, j'ai très bien vu votre humeur morose ces derniers jours. Mais si cela peut vous rassurer, elle m'a assuré qu'elle serait au bal.

Elle m'envoie un clin d'œil complice.

— Vous êtes prêts ?
— Je crois, oui. Est-ce...
— Est-ce que vous êtes assez beau pour taper dans l'œil de la belle française, c'est ça votre question ? devine-t-elle.

Riant, je ne peux qu'hocher la tête.

— Vous êtes parfait, mon frère. Au fait, vous ne m'avez pas redit... Avez-vous demandé sa bénédiction à sa sœur pour la courtiser ?
— Je lui ai demandé, oui, mais... elle préfère que je ne lui demande pas.
— Oh, s'étonne-t-elle. Mais... vous allez quand même tenter de danser avec elle, ce soir ?
— Nous verrons, haussé-je les épaules. Allez, allons-y.

Elle acquiesce, nous mettons nos masques et tout en sortant des appartements, elle glisse sa main sous mon bras qu'elle enroule autour de ses bras. Ce soir, le bal est organisé dans la Galerie des Glaces, pour l'atteindre, il faut traverser les Grands Appartements du Roi. Il y a beaucoup de monde et à cause des masques, je ne reconnais presque personne.
Dans la Galerie, la musique englobe tout et je me surprends à regarder dans la direction des musiciens — positionnés sur une estrade au milieu de la salle et du côté des miroirs — pour repérer éventuellement Elisabeth qui aurait de nouveau pris la place du pianiste, mais ce n'est pas le cas.

— C'est merveilleux, s'enthousiasme ma sœur. J'adore déjà cet endroit en règle générale, mais avec la lumière qui se répercute partout grâce aux miroirs, la vue sur les jardins éclairés et tous ces gens masqués la rend encore plus unique.

Je l'écoute à peine. À vrai dire, je regarde partout pour tenter de repérer Elisabeth, mais je ne la vois nulle part. Ne serait-elle pas encore arrivée ? Ou bien est-elle ici, mais ne l'ai-je pas reconnu à cause des masques ?

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant