Chapitre 6

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« Le talent se dénonce par cela même qu'il dissimule ses perfections », William Shakespeare

EDOUARD

Les yeux plantés sur la pianiste, je reste figé, totalement subjuguée par ce talent fou. Les cheveux blonds coiffés en tresse, une robe rose pâle avec une touche de bleu clair, je la reconnais tout de suite comme étant la fille qui est venue toquer à la porte de mes appartements. Celle qui se disait musicienne et pianiste, mais que j'ai tout de même eu du mal à croire. Pourtant, son talent est inné, elle joue avec une telle aisance que cela me fascine. Je ne comprends pas ce qu'elle fiche ici, dans l'orchestre en ayant fait partir le véritable pianiste, mais je n'arrive pas à détourner mes yeux d'elle tellement je suis impressionné. Elle ne fait pas une seule fausse note, elle suit les autres musiciens avec une facilité déconcertante et le sourire qui ne la quitte pas est communicatif.
Je porte mon verre de vin à mes lèvres jusqu'à ce que je me rende compte qu'il est déjà vide. Fichtre ! Je le repose donc sur un meuble et applaudit en même temps que les autres nobles quand la musique se termine et que la jeune femme — dont j'ignore le nom — se lève et salue l'assemblée, timide. Beaucoup de chuchotements se lèvent autour de moi, la complimentant et soulevant son talent, mais moi, la seule question que je me pose, c'est : comment a-t-elle pu prendre la place du pianiste ? A-t-elle fait une demande au Roi qu'il aurait accepté ? Ce serait étrange, mais après tout pourquoi pas.
Le pianiste reprend sa place, pas mécontent de retrouver son instrument dans le même état alors qu'une femme enceinte s'approche de la blonde et la prend contre elle en lui disant je ne sais quoi.
Cessez de la regarder comme ça, Edouard, c'est très inconvenant.
Je secoue la tête et détourne la tête. Je dois rester concentrer sur ma mission que m'a confié mon Roi, mais après tout, on ne parle pas politique ce soir, le seul mot d'ordre étant le divertissement. Alors pourquoi n'en profiterais-je pas ? Cette jeune femme et moi sommes partis d'un mauvais pied, je l'ai mal accueilli, mais je dois bien avouer que la découverte de son talent me force à la voir d'un nouvel oeil. Il y a quelques jours, quand elle m'a importuné, je l'ai trouvé audacieuse et trop curieuse, mais aujourd'hui, je la trouve simplement fabuleuse. Comment a-t-elle appris à jouer ainsi ? Si cela m'indifferait avant, désormais, je veux connaître son nom, mais je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée de l'inviter à danser. D'autant plus qu'elle semble en pleine discussion avec la brune enceinte et un homme venu les rejoindre.
Les musiciens lancent une sarabande, une danse qui me rappelle tant ma sœur tellement elle aime la danser. Nostalgique, je décide d'inviter une femme, un peu recluse de tout le monde et que tous les nobles sans regarder de travers. D'à peu près vingt ans de plus que moi, elle reste une très belle femme et je l'avoue, sa solitude me fait de la peine. Personne ne devrait être seul à ce point alors qu'il y a tellement de monde, ici. Je m'approche d'elle, elle lève les yeux vers moi, surprise.

— Danseriez-vous avec moi ? lui proposé-je.

Elle me regarde, éberluée.

— Savez-vous qui je suis ? me demande-t-elle.
— Je l'ignore, madame, tout comme vous ignorez mon nom. Dansons simplement afin de passer un bon moment.

Des pas se font entendre derrière moi et la femme lève de suite les yeux vers la personne, ceux-ci deviennent brillants.

— Elle ne danse pas, m'informe la voix dans mon dos.

Surprise, je me retourne et fais face au Roi.

— Louis... semble implorer la femme.

Qui est-elle pour oser l'appeler par son prénom ? Et en public, en plus ? Qui qu'elle soit, le souverain ne semble pas la porter dans son cœur.

— C'est Votre Majesté, Marquise de Montespan, raille-t-il. Trouvez une autre femme à inviter à danser, Lord Godwin, m'ordonne-t-il.

Je jette un dernier coup d'œil à la Marquise et ne discute pas les ordres du Roi. Je lance une œillade vers la pianiste qui a les yeux plantés sur la brune enceinte et l'homme qui semble être son époux. J'ai ma cavalière.
Confiant, je me dirige vers elle et me place devant elle.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant