Chapitre 4

34 3 8
                                    

« Il ne faut point juger les gens sur l'apparence », Jean de La Fontaine

EDOUARD

Qui était cette jeune femme à ma porte qui m'a dérangé pendant ma séance quotidienne de violon ? Je déteste être interrompu pendant que je joue.
D'autres coups sont donnés contre la porte, mais je ne réagis pas, mon violon déjà en main, prêt à faire obstruction de tout, hormis ma musique. Mais je ne peux pas ne serait-ce que poser mon arché sur les cordes que d'autres coups sont donnés. Aaargh ! Mais qu'est-ce qu'elle me veut, à la fin ? J'envoie un regard noir à la porte, comme si elle pouvait s'embraser et la faire fuir, mais visiblement, la blonde a décidé de faire de ma séance un enfer puisque désormais, c'est sa voix qui transperce les murs :

— Vous êtes musiciens ?

C'est donc cela ? Ce pourquoi elle est venue toquer ? Mais enfin, en quoi cela la regarde-t-elle ? Il faut qu'elle déguerpisse. Je me dirige alors de nouveau vers l'entrée et ouvre la porte.
Droite comme un i, elle a de long cheveux blonds coiffés en une tresse sur le côté qu'elle triture de ses doigts. Ses yeux, d'un bleu intense, m'observent comme si elle était en admiration. Je devrais peut-être lui offrir mon portrait pour qu'elle me fiche la paix et qu'elle cesse de me regarder de la sorte ? C'est extrêmement gênant, autant pour moi que pour elle. La dominant de toute ma hauteur, je constate qu'elle est bien plus petite que moi. Mes yeux marrons plantés sur elle, j'espère bien l'intimider. Bon sang, quel âge a-t-elle ? Je n'ai moi-même que vingt-deux ans, mais je parierai notre maison à Londres qu'elle est encore plus jeune que moi.

— Vous êtes musiciens ? me répète-t-elle après de longues, très longues secondes à être restée silencieuse.

Je ricane. Et si je me jouais d'elle ?

— Non, j'ai un musicien personnel, réponds-je, sarcastique.
— Oh, fait-elle, surprise.

Elle semble déçue puis elle remarque le violon que je tiens encore dans ma main gauche. Elle reste bloquée dessus comme si c'était la plus belle chose qu'elle avait vu de sa vie.

— Il est magnifique, commente-t-elle sans lever les yeux, comprenant sans doute que je l'ai fait marché en affirmant que ce n'était pas moi qui jouait.

Elle lève ses pupilles azur vers les miennes. Ce n'est qu'une gamine, a-t-elle seulement atteint la vingtaine ?

— Thank you, réponds-je simplement dans ma langue maternelle, par automatisme.

Ses yeux s'illuminent.

— Oh, vous êtes anglais ?

Non, je prends juste un accent britannique pour me donner un genre.
Je ne peux m'empêcher de lever au ciel. Elle va rester devant chez moi encore longtemps ? Peut-être faut-il que je l'aide à décamper ?

— Je... hésite-t-elle en enroulant le bout de sa tresse autour de son index, je me baladais dans les couloirs lorsque j'ai entendu les notes de votre violon. Je... je suis désolée si cela peut paraître un peu... inconvenant, mais j'ai adoré ce que j'ai entendu. C'était The Tempest de Matthew Locke, n'est-ce pas ?

Surpris par sa connaissance musicale alors que Locke n'est pourtant pas très connu en dehors des frontières de mon pays, mes yeux s'ouvrent tels des orbites.

— Vous connaissez Locke ? m'étonné-je.
— Oh oui, je suis passionné par la musique classique. Personnellement, mon compositeur classique est Lully. Je suis moi-même musicienne depuis ma plus tendre enfance.
— Ah oui ?
— Piano, acquiesce-t-elle. Vous en jouez ?

Je secoue la tête.

— Uniquement du violon, réponds-je avec plus d'entrain, intéressé par son amour de la musique.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant