Chapitre 36

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« Mais qui peut empêcher l'Amour d'unir deux cœurs qu'il a fait l'un pour l'autre ? », Jean-Baptiste Lully

ELISABETH

Presque une semaine qu'Edouard est enfermé dans l'une des cellules du château. Trop abattu à cette idée, mais aussi à ma prochaine séparation d'avec mon bébé une fois que je l'aurais mise au monde, je n'ai plus envie de rien. Je n'ai pas envie qu'on m'enlève mon enfant, tout comme je ne souhaite pas finir au couvent, ce n'est pas possible. Je veux vivre ma vie comme je l'entends et il est hors de question que je finisse en religieuse. Tout comme je refuse d'imaginer Edouard mourir. J'en fais des cauchemars et plus les jours passent, plus je me sens épuisé. Alors, hier soir, entre deux insomnies, j'ai pris une grande décision. Très dangereuse et risquée, certes, mais elle est la seule qui me permette d'être près d'Edouard. En plus, j'ai entendu ce matin pendant ma promenade dans le château que le lieutenant de police et ses hommes devaient se rendre à Paris pour la journée, leur Roi leur ayant assigné une mission. C'est ma chance. Ma seule, en réalité. Mais j'ai peur. Non, en réalité, je suis terrifiée. Tellement que j'en ai mal au ventre et que la nausée ne me quitte pas. Les mains sur mon ventre, je chuchote à mon bébé que je vais lui ramener son papa car sans lui, je ne vis plus réellement.
Cela fait dix minutes que je fais des ronds dans ma chambre, hésitante, mais aussi anxieuse à l'idée que mon plan échoue. Je n'ai pas le droit à l'erreur et c'est cela qui me fait hésiter. Si j'échoue, les conséquences vont être dramatiques. Et puis, je ne peux point faire ça à ma sœur, elle ne s'en remettrait jamais. Même si nous avons des différends, je ne peux pas... lui faire autant de mal. Mais je ne peux pas non plus abandonner Edouard, c'est impossible, je m'en voudrai pour la fin de mes jours.
Je passe mes mains sur mon visage et dans mes cheveux, en proie à des pensées contraires. Si je fais cela et que je me fais prendre, je risque de prendre très cher, mais j'aime Edouard si fort que je suis prêt à me mettre en danger si, grâce à ça, il a une possibilité de survivre.
Je me redresse.
Oui, cette fois-ci c'est décidé : j'y vais. Le lieutenant et ses hommes ne s'absenteront pas toute la journée, il me faut agir. Cette fois, je ne reculerai plus. Mais je ne peux point laissé ma soeur ainsi, sans explication. Alors je m'empare d'une feuille de papier et d'une plume pour rédiger un court mot :

« Louise,
Je suis désolée pour la peine que cela va vous infliger, mais je suis partie. Avec Edouard. Je ne pouvais plus supporter de le savoir dans une cellule, attendant la mort, alors je suis partie le libérer pour que, tous les deux, on parte en Angleterre. Je suis désolée de vous décevoir encore une fois, mais je l'aime, je porte son enfant, je ne peux plus vivre sans lui. La France ne veut plus de lui, alors je ne veux plus de la France. Je m'en vais vers mon nouveau pays qui, je l'espère, saura accepter notre amour.
Je suis désolée, je vous aime profondément,
votre sœur, Elisabeth. »

Terminée, je la pose sur le petit bureau, les mains tremblantes de nervosité, puis je me dirige vers la porte de ma chambre avant de m'arrêter net. Je ne peux pas sortir ainsi découverte, il faut que je me dissimule un minimum. Alors, dans un premier temps, je détache ma tresse pour laisser mes longs cheveux blonds détachés puis je me dirige vers ma grosse malle au pied de mon lit, m'empare d'une cape que j'enfile et remonte la capuche sur ma tête. Prête, mais anxieuse, je regarde une dernière fois cet endroit et m'en vais, déterminée.
Tenez bon, mon amour, je viens vous sauver.
Ma sœur et Antoine ne sont pas dans les parages alors, en catimini, je me dirige vers la porte d'entrée et sors en prenant soin de ne pas faire de bruit. À partir de là, je suis en apnée totale, rasant les murs pour me faire voir le moins possible. Lorsqu'enfin, j'arrive au sous-sol du château, j'avale une grande goulée d'air, bien que je sois toujours paniquée à l'idée qu'un garde me surprenne. Plaqué contre le mur, je jette un œil dans le long couloir froid fait de pierre et pousse un soupir de soulagement quand je ne repère personne. Mais soudain, un doute m'assaille : il était là au début, mais s'il avait été transféré à la Bastille ? Cet endroit où les prisonniers sont constamment surveillés ? Car s'il n'y a personne ici, c'est peut-être parce qu'il n'est plus là... Je secoue la tête. Non, il est là, j'en ai le pressentiment.
Dans quelle cellule se situe Edouard ? Elles me semblent toutes vides... Je fixe tout ce couloir de cellule et j'ignore pourquoi, mais mon instinct m'indique que mon amour se trouve dans la dernière, celle du fond. Je prends une grande inspiration, ne regarde pas mes mains trembler comme jamais et m'y rends. J'avais raison. Edouard est ici, allongé à même le sol, non loin d'une flaque d'eau. Un sanglot m'échappe. Mon pauvre amour... Mes larmes ruissellent sur mes joues. Je m'agenouille et agrippe les barreaux.

Vices à Versailles - S'aimer est interdit tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant