Chapitre 34: Un baiser d'adieu

153 6 4
                                    


Les gouttes de pluie s'écrasaient contre le pare-brise de la voiture de Min alors qu'ils avançaient silencieusement vers le restaurant. La tension flottait dans le véhicule, reflétant l'atmosphère glaciale entre Yuri et Min depuis le Nouvel An. L'ombre d'une dispute imminente planait sur eux, obscurcissant la perspective d'une soirée normale. Depuis la soirée, le blond trouvait que Yuri était beaucoup trop silencieux, encore plus que d'habitude, et il n'aimait pas cela. Il avait pourtant essayé, mais c'était comme si Yuri avait vécu quelque chose lors de cette soirée, quelque chose qu'il n'aurait pas vu. Il pensa d'abord à la dispute qu'il avait eue avec Sato dans la salle de bain, mais Min avait un mauvais pressentiment.

Le restaurant, une oasis temporaire de normalité dans leurs vies compliquées, devait servir de toile de fond à une confrontation que chacun d'eux redoutait. Min voulait parler avec Yuri, il voulait tellement savoir ce qui le préoccupait, alors il avait proposé un simple restaurant à Yuri, qu'il avait accepté sans plus. Les lumières des enseignes et des lampadaires dansaient dans la nuit pluvieuse, éclairant partiellement les visages tendus des deux hommes. Min, conscient des sentiments complexes de Yuri, avait voulu créer un moment de réconciliation. Cependant, dès qu'ils entrèrent dans le halo de l'éclairage du restaurant, la tension accumulée éclata comme une tempête refoulée depuis trop longtemps. Même si la tension était à son comble, tout était beaucoup trop silencieux. Assis à la table, les menus dépliés devant eux, personne ne parlait. Les regards se croisèrent dans une bataille verbale, les émotions longtemps ignorées se déversant comme un torrent.
— Alors, tu vas prendre quoi à manger ?
Min décida de couper court au silence, voulant entrer dans le but du sujet le plus rapidement que possible. Yuri ne sembla pas très intéressé par cela, alors en haussant les épaules, il répondit sans même le regarder.
— Une salade.
— Je vais prendre la même chose, je pense.
Cette conversation était décidément beaucoup trop gênante. Min n'avait pas l'habitude de devoir s'occuper des sentiments des autres, mais il avait essayé, pour ne pas brusquer Yuri sauf que cela ne marcha pas, alors il décida de retirer le masque du gentil garçon que Nagini lui avait obligé à mettre.
— Bon, écoute Yuri. Je ne vais pas passer par quatre chemins. Dis moi ce qu'il ne va pas. Est ce que c'est à cause de ta dispute avec Sato ? Tu ne parles même plus. Avant le Nouvel An, on avait recommencé à se parler.
Min espérait qu'il n'allait pas l'ignorer comme le jeune avait l'habitude de le faire, mais il fut surprit lorsqu'il le vit reposer la carte des plats devant lui, pour planter son regard froid dans le sien, n'ayant pas l'habitude qu'il le regarde ainsi.
— Qu'est ce que tu veux qu'j' te dise, Minato ?
— Minato ? Depuis quand tu m'appelles comme ça, toi ?
— Quoi, ce n'est pas ce que tu voulais ? J'en ai marre qu'on prétende que tout va bien, en tout cas moi j'en ai marre. Qu'est ce que je suis censé faire, depuis la mort de mon père, hein ?
Enfin il parlait vraiment. D'un côté Min fut content et satisfait, mais il savait que cela n'allait pas se finir d'une bonne façon.
— Je pense que tu devrais prendre des vacances, Yuri. Voilà ce que je pense.
— Alors tu veux que je parte, c'est pour ça que tu m'as fait venir ?
— Ne joues pas avec les mots. Je t'ai fait venir car je ne veux que ton bien. Ici ce n'est pas saint pour toi. Il y a le gang et tu ne dois pas t'en approcher.
La conversation dériva rapidement vers le gang, un sujet délicat qui agissait comme un aimant, attirant leurs inquiétudes et leurs désaccords. Min, soucieux de la sécurité de Yuri, refusait catégoriquement son implication, prétextant que son esprit était encore trop tourmenté par la mort de son père pour prendre de telles décisions. C'est dans un léger mouvement que Min attrapa quelque chose dans sa poche, et le donna à Yuri, dans ses mains. Une enveloppe blanche.
— Qu'est ce que c'est ?
En ouvrant l'enveloppe lentement, Yuri vit le petit logo d'une compagnie aérienne, qui lui glaça le sang.
— Je t'ai pris des billets d'avions, enfin un aller pour que tu partes pendant un certain temps.
Premièrement choqué, Yuri ouvrit légèrement la bouche, en gardant ses yeux sur le billet qu'il tenait dans les mains.
— Tu... Est ce que tu es sérieux, la ?
— Je ne veux que ton bien.
Min le regardait avec des yeux suppliants, voulant qu'il l'écoute. Cependant, Yuri, alimenté par la colère refoulée et une détermination sans faille, se défendit. Finalement, l'impasse devint insupportable. Yuri, dans un geste de frustration, repoussa la chaise en arrière et se leva. Il s'éclipsa hors du restaurant, laissant derrière lui une table délaissée et Min, assis, perplexe et désemparé par le tour qu'avait pris la soirée, mais bien évidemment le blond le suivit, en voulant discuter avec lui calmement. Il tenta de prendre son poignet mais Yuri le poussa plutôt violemment, en reprenant son propre poignet pour ne pas qu'il l'attrape à nouveau, tenant toujours le billet d'avion dans ses mains.
— T'es qu'un putain de connard !
— Yuri ! Tu ne vois pas que je fais ça pour ta sécurité ?!
Dans un geste impulsif, Yuri tourna les talons, s'éloignant de Min et du billet qui représentait une liberté indésirable à ses yeux. Le jeune s'enfonça dans les rues sombres, toujours suivi par le grand blond. Il ne voulait plus être le spectateur impuissant de sa propre vie, guidé par les circonstances plutôt que par le choix. La pluie continuait de tomber lorsqu'ils sortirent du restaurant, et Yuri, déambulant dans les rues détrempées, laissa l'obscurité de la nuit absorber sa silhouette solitaire. Les éclats de lumière des enseignes et des réverbères créaient des reflets instables sur le pavé mouillé, accompagnant le tumulte émotionnel qui tourbillonnait à l'intérieur de Yuri. C'est au bout d'un cul-de-sac que Yuri fut obligé de s'arrêter, bloqué par le mur et Min, qui lui faisait face quelques mètres plus loin. La ruelle sombre était baignée par la lueur blafarde des réverbères, créant des ombres dansantes autour de Yuri et Min. L'air était saturé de tension, palpable comme une tempête prête à éclater. Yuri, le visage tendu par la frustration, s'était retrouvé piégé dans cette confrontation inattendue.
— Arrêtes de dire que tu veux m'aider alors que c'est qu'un putain de mensonge ! Tu mens comme les autres ! Personne dans cette foutu ville de merde est capable de me dire la putain de vérité en face !
— Je ne te mens pas, putain Yuri ! Mais ici tu n'es plus en sécurité, il y a Asahi qui court encore les rues et on ne sait pas ce qu'il prépare.
Min, porteur de préoccupations sincères pour la sécurité de Yuri, tentait de faire entendre raison à son ami. Un billet d'avion, symbole de la volonté de Min de le voir éloigné du danger, pesait dans la paume de Yuri. C'était une offre de libération, un moyen d'échapper aux ruelles obscures et aux intrigues du gang. Cependant, Yuri, dans un tourbillon d'émotions contradictoires, rejeta le geste protecteur de Min. Ses yeux reflétaient une détermination farouche, le désir de ne plus être contrôlé, de ne plus être pris au piège dans les filets de la préoccupation excessive de Min.
— Ne prononces pas son putain de prénom !
La dispute s'enflamma, les mots fusant comme des flèches acérées dans l'obscurité de la ruelle. Yuri exprima son exaspération, la sensation d'étouffer sous le poids des bonnes intentions de Min. Il voulait forger son propre destin, même si cela signifiait plonger tête baissée dans l'inconnu.
— Yuri, je ne pense pas que tu te rendes compte du danger qui arrive, et ça sera pire si tu restes.
Min, de son côté, tenta de faire valoir la logique derrière son geste protecteur. Il ne voulait pas perdre Yuri, pas après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble. La dualité entre l'amitié profonde et la nécessité de protéger l'être cher créa un conflit intense dans la ruelle étroite. Même s' il ne voulait pas se l'avouer, voir partir Yuri était la chose qu'il désirait le moins. Il tenait tellement à s'occuper de lui, comme il le faisait avec son petit frère auparavant.
— Je n'ai besoin de personne pour me dire quoi faire ! Tu m'entends ça ?!
Yuri, agrippant le billet d'avion, le froissa entre ses doigts, une déclaration viscérale de son refus de suivre le chemin tracé par Min. Il voulait décider de sa propre vie, même si cela signifiait s'éloigner de la sécurité apparente que Min tentait de lui offrir. La dispute atteignit son apogée, les deux amis se regardant dans les yeux, chacun résolu à défendre sa position.
La tension entre Yuri et Min atteignit son paroxysme, les éclats de leur dispute résonnant dans l'étroitesse des murs qui les entouraient. Yuri, déterminé à s'éloigner, tourna les talons, prêt à quitter cet espace confiné qui semblait symboliser la détérioration de leur amitié. Cependant, à sa grande surprise, le passage qui aurait dû être libre était maintenant barré par Min. L'amertume et la frustration éclataient dans les regards échangés, créant une distance émotionnelle qui semblait insurmontable. Yuri, choqué de se retrouver face à un mur physique et métaphorique, se sentit momentanément pris au piège. C'est à ce moment précis que Min, dans un geste impulsif, décida d'agir. Il ne voulait pas voir Yuri partir ainsi, laissant derrière eux une brèche irréparable dans leur relation. Saisissant Yuri par le bras, Min le retint, plaçant sa main délicatement sur la joue de Yuri.
— Yuri, s'il te plaît..
Un silence tendu s'installa, brisé seulement par le bruit de la pluie qui continuait de tomber. Min, cherchant un moyen de communiquer ce qu'il ressentait, posa doucement ses lèvres sur celles de Yuri dans un baiser inattendu. C'était un geste empreint d'émotions refoulées, une tentative de retenir quelque chose qui semblait glisser entre ses doigts. Les lèvres de Min étaient douces contre celles de Yuri, mais le baiser portait le poids des non-dits, des regrets et des espoirs perdus. C'était un geste désespéré pour réparer ce qui avait été brisé, pour retenir l'autre avant qu'il ne s'éloigne définitivement. Yuri, surpris par cette soudaine proximité, sentit une complexité d'émotions l'envahir. Le baiser de Min était à la fois réconfortant et déchirant, une tentative poignante de retenir quelque chose qui semblait destiné à s'évaporer. Le temps sembla suspendu dans cette étreinte fragile, les gouttes de pluie créant une symphonie douce autour d'eux. Yuri, face à ce geste inattendu, hésita un instant. La douceur du baiser de Min contrastait avec la tension palpable de la dispute, laissant les deux hommes dans une bulle temporelle où tout était à la fois clair et confus. Finalement, le baiser prit fin, mais l'atmosphère restait chargée d'une énergie électrique. Min, les yeux fixés sur Yuri, cherchait des réponses dans le regard de son ami. L'avenir de leur relation reposait sur ce moment fragile, où un simple geste avait le pouvoir de changer la trajectoire de leurs vies entrelacées.

La poursuite du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant