4 semaines plus tard
Dehors, la neige tombait enfin. Les températures avaient chuté ces jours-ci, mais le soleil restait présent. Malgré cette bonne chose, cela faisait deux semaines que Yuri n'était pas sorti, toujours dans un lit d'hôpital. Au fil des deux semaines qui avaient suivi ce soir-là, l'ombre de la tragédie persistait dans l'existence de Yuri. La perte de son père, Yumisa, restait une plaie béante, laissée par l'injustice orchestrée par le chef de gang Kwang, qui avait lui-même trouvé la mort dans le tourbillon de violences. Mais ce n'était pas le pire. Lorsqu'il s'était réveillé, il avait appris qu'en réalité ses amis lui avaient en fait tendu un piège. Il avait énormément pleuré. Pleurer jusqu'à ne plus savoir respirer. Le fait d'être aussi impuissant lui avait créé des blessures aussi bien mentale que physique. C'est seulement après une semaine que Yuri, bien que marqué par la douleur, avait commencé à se rétablir de ses blessures physiques. Le temps avait accompli son œuvre, guérissant peu à peu les cicatrices visibles. Cependant, celles de l'âme, les souvenirs d'une guerre violente et de la perte d'un être cher, persistaient, intenses comme des empreintes indélébiles.
Il avait pu se rendre à l'enterrement de son père. Malgré les cicatrices du passé, une lueur d'espoir tentait de percer l'obscurité. Yuri, avec sa détermination et sa résilience, cherchait à donner un sens à la perte de son père. Il rêvait de pouvoir lui parler une dernière fois. Il rêvait de pouvoir lui dire combien tant il l'aimait. Yuri n'avait même pas pu lui dire au revoir. Alors que la ville se remettait lentement de ses blessures, Yuri, Min et Nagini se tenaient ensemble, prêts à façonner un nouveau chapitre de leurs vies. En regardant le cercueil descendre dans le sol enneigé, Yuri ferma les yeux, une larme coulant sur sa joue. Cette vue était tellement douloureuse, mais il n'avait plus la force de pleurer. Dans un dernier mot, Yuri alla poser une fleur sur son cercueil en bois, le laissant partir.
— Au revoir, Papa.Yuri, après des moments d'agonie à l'hôpital, sentit finalement les contours de la guérison étreindre son corps fatigué. Avec chaque battement de cœur régulier, la perspective de retourner chez lui devint tangible. Il était donc ressorti de cet hôpital avec un rein en moins, qu'on lui avait pris et sûrement vendu ce soir-là. Heureusement il n'était pas ressorti avec un membre en moins ou pire. Il était vivant mais maintenant il n'avait plus de famille. Plus personne. Yuri avait dû licencier Hinata et Leila, une pointe dans le cœur. Il voulait vendre la demeure de son père, pour ne plus avoir à y retourner.
Alors que les portes de l'hôpital se refermaient derrière lui, Yuri prit la décision de se rendre à son propre appartement. Les rues de la ville étaient familières, mais chaque pas résonnait comme une déclaration d'indépendance, une marche vers un nouveau chapitre de sa vie. Arrivé devant sa porte, il ressentit un mélange d'émotions. L'appartement, jadis rempli de souvenirs, était maintenant un espace à redécouvrir. La dernière fois qu'il était venu ici, c'était le soir de son départ de l'université avec Sato. Il n'était allé qu'une fois à cet appartement mais tous ses souvenirs y étaient. Avec son double de clé, Yuri ouvrit la porte, laissant entrer la lumière du jour.
L'intérieur semblait avoir figé le temps, des fragments du passé suspendus dans chaque coin de la pièce. Les meubles, les photos et les objets personnels racontaient l'histoire du garçon qu'il avait été, mais Yuri, déterminé à créer un nouvel épisode de sa vie, décidant de tout jeter. Toutes les photos avec Sato ou encore ses autres connaissances, il voulut tout recommencer. Il se plongea dans la tâche de réorganiser son espace, une métamorphose intérieure se reflétant dans la disposition des meubles et la réaffectation des souvenirs. L'odeur familière de chez soi s'imprégnait dans l'air, mais avec une nuance nouvelle, un parfum de renouveau. Les jours qui suivirent marquèrent une période d'adaptation et de redécouverte. Yuri se connecta à son environnement de manière différente, comme si chaque coin de l'appartement offrait une opportunité de se réinventer. Les échos du passé s'estompaient, faisant place à un présent à écrire et à un futur à imaginer.
Alors que les premières nuits s'écoulaient dans l'intimité de son appartement, Yuri se sentait à la fois vulnérable et libéré. Les murs de son chez-soi étaient devenus des pages blanches, où les lignes de son histoire personnelle attendaient d'être écrites avec une plume. Cela faisait maintenant quatre semaines qu'il n'avait pas parlé à Min ni à Nagini. En fait, il n'avait parlé à personne. Même à l'enterrement il était venu pour pleurer, déposer des fleurs et repartir, sans rien dire à personne. En réalité, Yuri était en colère. Même s' il ne le montrait pas, tout son être était en ébullition, près à exploser comme un volcan fragile.
Des semaines s'étaient écoulées depuis que Yuri et Min avaient échangé des mots ou même des regards. Donc un soir, l'atmosphère était tendue lorsque Min se présenta devant la porte de l'appartement de Yuri, portant avec lui les effets personnels qu'il avait laissés chez lui.
Yuri, qui était plongé dans ses propres pensées, ouvrit la porte sans un mot. Les yeux se croisèrent, mais le silence persista entre eux comme un fossé infranchissable. Au départ, Yuri voulut lui fermer la porte au nez, ne désirant pas le voir, sauf qu'il vu la boîte que tenait l'homme dans ses mains, alors il le laissa parler.
— J'ai apporté tes affaires. Je pensais que tu voudrais les récupérer.
Min était habillé de vêtements tout simple, différemment de d'habitude. Pour une fois, il avait l'air soigné. Tout en le regardant de haut en bas, Yuri prit le carton que Min lui tendait, mais son regard demeura froid, insensible à la tentative de paix de Min. Il voulu fermer une nouvelle fois la porte mais le blond le retenu, en parlant:
— Yuri, je sais que les choses ont été difficiles entre nous, mais tu as besoin de notre aide. Il y a des choses que tu ne peux pas résoudre seul.
Yuri, sans lever les yeux, murmura:
— Je ne veux rien avoir à faire avec toi, Min. Tu as causé trop de douleur.
Min essaya de pénétrer la muraille d'indifférence qui entourait Yuri, n'aimait pas ce qu'il demeurait.
— Je ne demande pas ta pitié, Yuri, juste une chance de m'expliquer. Il y a des choses en jeu qui dépassent ce que tu peux imaginer.
Les paroles de Min se perdaient dans le silence froid qui persistait entre eux. Yuri, résolu à ne pas se laisser emporter par les supplications, ferma la porte, laissant Min à l'extérieur, emprisonné dans un silence qui semblait plus assourdissant que n'importe quelle parole. Min, confronté à la solitude et au poids de ses propres erreurs, resta debout devant la porte fermée, contemplant le trou qui s'était creusé entre lui et celui qu'il avait protégé. Le chemin vers la rédemption semblait plus sombre que jamais, et Yuri, enveloppé dans le silence de sa douleur, refusait de tendre la main vers le passé. Alors qu'il alla poser la boîte pour fouiller dedans, Yuri ne vit pas Min rentrer en trombe dans son appartement, en forçant l'homme à l'écouter. Min, poussé par l'urgence de briser le silence oppressant, suivit Yuri dans son appartement.
— Bon je suis désolé, Yuri, mais je suis obligé. Tu as déjà dégagé Nagini dans la semaine alors il m'envoie pour te parler sauf moi je ne me laisse pas me faire claquer une porte dessus. Il faut qu'on parle.
Min, déterminé à rétablir une connexion perdue, brisa finalement le mutisme qui pesait entre eux.
— Yuri, nous devons parler. Je sais que tu es en colère, mais il y a quelque chose dont tu dois être informé.
Yuri, restant distant, ne répondit pas, mais Min sentait l'hostilité latente dans l'air. Il s'avança, cherchant un contact visuel qui demeurait insaisissable. Il s'obligea à se mettre devant lui.
— J'ai fait des erreurs, Yuri, et je ne cherche pas d'excuses. Mais il y a des enjeux plus grands ici. Ta vie est en danger, et peut-être la mienne aussi.
Yuri, toujours silencieux, leva un regard scrutateur. Min poursuivit, une urgence sincère dans sa voix.
— Je ne veux pas que tu me pardonnes, mais je ne veux pas te perdre non plus. J'ai été un connard, je le sais, mais ce n'est pas une raison pour nous tourner le dos. Tu as perdu ton père, Yuri.. et tu as besoin qu'on t'entoure.
Les secondes s'étiraient, laissant flotter l'incertitude dans l'air. Yuri, bien que résistant, semblait intrigué par la gravité des paroles de Min. Au fond il savait qu'il avait raison mais il ne voulait pas le faire, il ne voulait pas être avec eux.
— Si tu ne me pardonnes pas, je le comprends, mais je ne peux pas te laisser ignorer le danger. Ce n'est pas seulement ma vie en jeu, c'est aussi la tienne. Nous sommes sûrs que Asahi prépare un mauvais coup.
Le silence persista, mais cette fois, une fissure d'hésitation apparut dans l'expression de Yuri. Min pouvait voir le dilemme dans ses yeux, la lutte entre la colère et la préoccupation. Min, sachant qu'il ne pouvait pas effacer le passé, espérait que le futur pourrait être rattrapé, même s'il n'était que par des gestes de compréhension et de coopération. Les prochaines paroles de Yuri pourraient bien façonner le destin qui les attendait, et Min attendit, en quête de réponses dans le silence qui enveloppait encore la pièce.
— Min..
La tension atteignit son apogée dans l'appartement de Yuri. Min, espérant un signe d'acceptation ou de compréhension, fut accueilli par une réaction tout à fait opposée. Yuri, empli d'une colère refoulée, ne trouva qu'une seule manière de s'exprimer : une gifle cinglante. La gifle résonna dans la pièce, un éclat de frustration et de la déception qui s'étaient accumulées pendant des semaines. Yuri, le regard flamboyant de colère contenue, s'avança d'un pas, un doigt accusateur pointé vers Min.
— Tu n'as aucune idée de la douleur que tu as causée. Comment oses-tu venir ici, parler de dangers et d'aide ? Tu m'as trahi, Min, de la pire manière qui soit ! Tout le monde m'a trahi !
Yuri, libérant ses émotions avec chaque mot, ne retenait rien.
— Tu as détruit notre amitié, tu as détruit ma confiance. Et maintenant, tu viens chez moi en disant être inquiet ? Je n'ai plus rien à faire avec toi, Min. Sors de chez moi.
Min, touché par la force du geste, restait figé, les mots de Yuri résonnant comme un verdict douloureux. La réalité des conséquences de ses actions s'imposa à lui de manière brutale. Yuri, les yeux brillants de colère et de tristesse, ajouta:
— Je ne veux plus jamais te voir. Tout ce qui nous liait est désormais brisé.
Dans un geste de colère, Yuri alla ouvrit la porte de son appartement pour guider Min, mais il resta au milieu de l'appartement, la joue toujours aussi rouge à cause de la gifle qu'il venait de recevoir. D'habitude il n'aurait jamais laissé quelqu'un le frapper, mais la il n'osa rien faire. Il savait qu'il le méritait. En voyant qu'il ne bougeait pas, Yuri serra le poing et alla prendre le bras de Min pour pouvoir le tirer, mais il résista encore, dur comme une statue de musée.
— Yuri, pitié. Je suis désolé-
— TAIS TOI ! Tais toi, par pitié ! Je ne veux plus t'entendre ni te voir ! Tu as détruit ma vie !
Min l'écoutait, ne le coupant pas. Il le laissa s'exprimer car il savait qu'il en avait besoin, même si cela lui faisait du mal. Il avait raison au fond. Il voyait ses larmes coulaient sur ses joues lentement. Même dans cet état, Min le trouva magnifique et voulut prendre soin de lui.
— Je n'ai plus rien à cause de toi ! Tu m'as fait vivre un enfer, et je te déteste pour ça. J'espère que tu crèves dans ton putain de coin ! Et que je crève aussi.... j'en ai marre, putain..
Les émotions en Yuri atteignirent un point de rupture. La colère qui l'avait animé se mêla à la tristesse, formant une tempête tumultueuse qui ébranlait son être. En larmes, fatigué de lutter contre les ressentiments qui le hantaient, Yuri s'effondra dans un mélange de désespoir et de frustration. Yuri s'efforça de rassembler ses pensées, mais les images de trahison et de douleur tourbillonnaient dans son esprit. Les mains tremblantes, il se prit la tête, cherchant désespérément un moyen de calmer la tempête intérieure qui menaçait de l'engloutir. Dans cet instant de vulnérabilité, Yuri réalisa qu'il était épuisé de porter le fardeau de la colère et de la douleur. Il ne voulait plus se battre, plus endurer la tourmente émotionnelle qui l'avait tourmenté. Les larmes continuèrent de couler, délivrant une catharsis libératrice, comme si chaque goutte emportait avec elle un fragment de chagrin.
— Tu ne le penses pas, Yuri..
— Si..
— Non, ce n'est pas toi, ça.
Yuri éclata en sanglot une nouvelle fois, faible et fatigué. Min le comprit, alors il posa ses mains sur les joues du garçon pour le regarder dans les yeux. Les deux hommes se regardèrent dans le blanc des yeux, pour ne plus avoir à se parler.
— Yuri.. Je suis désolé.
— Je veux que tout s'arrête. Je veux que ce poids dans le cœur se retire.
Min, malgré la gifle et les vérités douloureuses, ressentit la détresse de Yuri. Le voyant pleurer, épuisé et submergé par la tristesse, une compassion sincère remplaça la défensive qui avait teinté leur rencontre précédente. Min, mettant de côté son propre chagrin, s'approcha doucement de Yuri. Sans un mot, il le prit dans ses bras, une tentative silencieuse de transmettre le soutien qu'il ne pouvait plus exprimer par des mots. Yuri, entre les sanglots, leva les yeux, rencontrant le regard de Min. Dans ce silence, les barrières émotionnelles semblaient s'adoucir, créant un espace où la tristesse partagée dépassait les conflits passés.
— Je suis désolé, Yuri. Je ne voulais pas te faire de mal. Je veux juste que tu saches que je me soucie de toi, même si je n'ai pas été à la hauteur. Permets moi de rester à tes côtés, s'il te plaît.
Yuri, sentant la sincérité dans les paroles de Min, laissa sa résistance s'atténuer. Les larmes coulaient toujours, mais le poids semblait devenir un peu plus supportable. Min, sans attendre de réponse, s'efforça de prendre soin de Yuri. Il ramena Yuri sur le canapé, trouvant des mouchoirs pour sécher ses larmes. La compassion remplaça la tension, et Min, simplement présent, chercha à offrir un soutien dans ce moment de vulnérabilité. Les paroles n'étaient plus nécessaires. La présence de Min et son geste de réconfort parlaient plus fort que tout discours. Alors que Yuri se laissait aller à la chaleur apaisante de l'empathie, une lueur d'acceptation commença à émerger dans les coins sombres de son chagrin. Peut-être, dans cette nuit de larmes et de réconfort, se trouvait le germe fragile de la guérison, une promesse d'apaisement dans les décombres émotionnels de leur passé partagé.
Min resta pour la nuit dans l'appartement, en laissant Yuri s'endormir contre lui, après des pleurs et des plaintes.
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La poursuite du bonheur
RomanceLorsque Yuri décide de rompre avec sa famille pour mener une vie ordinaire, il est loin de se douter des conséquences qu'il aurait pour le futur. Pris au piège dans une situation délicate malgré lui, il se retrouve contraint d'accepter la protection...