Mémoire Perdue

Chapitre 25

— Synt ? Syntara ?

Je redresse les yeux juste à temps pour voir Chris se rapprocher. Dans un mouvement instinctif, je replie le papier et le range dans son enveloppe. C'est presque comme si j'effaçais les traces d'un crime que je n'ai même pas commis. D'un crime à mon encontre.

Délicatement, pour n'attirer aucun soupçon, je dépose la lettre sur le plan de travail, avant de tourner mon regard vers Chris et de lui sourire.

— Oui ? Tu me disais quoi ?

— Que j'avais une très bonne psy à te conseiller. Meilleure que celle qui n'a pas su t'écouter, visiblement.

Ce qu'il me faudrait, c'est un garde du corps, plutôt. Mais je ne peux pas lui répondre cela. Alors, je secoue la tête et murmure : 

— Je n'avais pas non plus envie qu'elle m'écoute, quand on regarde. Je ne me confiais pas. Je ne prenais même pas sérieusement mon traitement ! L'exercice n'était pas fait pour moi.

— Et maintenant ?

Je réfléchis un instant. La question se pose réellement car réaliser mon problème et vouloir le traiter est totalement différent. Je ne sais pas si j'en suis capable, même après autant de temps passé.

Néanmoins, je crois que l'envie est là, au fond de moi. C'est un progrès.

— On verra.

— Ok, comme tu voudras. Ça prendra le temps qu'il faut dans tous les cas. C'est à toi de voir quand tu es prête pour ce travail mais sache que tu ne peux pas être indéfiniment dépendante des médicaments ou de l'alcool pour aller bien. Ce n'est pas une solution, surtout quand tu n'as pas testé toutes les aides possibles.

— Je ne prends plus les somnifères ! 

Ma réponse est brusque. Instinctive, même. Je me défends de quelque chose que je ne veux pas réaliser. 

Je sais qu'il dit cela pour m'aider mais, à part recevoir une leçon de morale, je n'ai pas l'impression que cela ait un effet positif. Je me force pourtant à sourire, comme si de rien était, et quitte mon tabouret.

Je n'ai rien mangé mais je ne crois pas que Chris s'en soit aperçu. Tant mieux, je ne veux pas qu'il me pose plus de question. Qu'il s'intéresse trop à moi. Nous ne sommes pas...

— Si tu veux que je te soutienne, que je sois présent pour toi, ce sera avec plaisir mais je ne veux pas le faire en tant que plan cul. Si on se lance là-dedans, c'est en tant qu'amis. 

— Quoi ? Mais... Pourquoi ?

— C'est lourd à porter. Tu peux pas le faire seule. Enfin, si, tu peux, mais ce sera dur. Désagréable.

— Non, ça je sais. Je voulais dire... Pourquoi toi, tu veux le faire ?

Chris s'arrête un instant pour réfléchir. A ma question ? Ou à la réponse qu'il doit donner ? Il doit douter de sa proposition. Impossible qu'il pense ce qu'il vient de prononcer.

C'est drôle, je ne le pensais pas hésiter. C'est lui qui a lâché la bombe, il devrait savoir la désamorcer. Visiblement, non.

— Tu me plais. Depuis que l'on s'est rencontrés, en fait. Mais je ne cherchais pas de relation à ce moment. Je ne voulais pas d'un truc sérieux et tu m'as donné exactement ce que je souhaitais. Mais ça va plus loin que nous maintenant. Et, même si j'aimerais beaucoup aller "plus loin", je sais que tu n'es pas prête à être en couple. Alors, un ami me semble justifié? 

Presque honteuse de mon cœur qui bat la chamade, je baisse les yeux vers mes pieds. Je joue avec les lignes du carrelage, les prenant pour des traits que l'on pourrait tirer à soi comme des élastiques. Ma main, agrippée au bar, est la seule qui me permette de garder l'équilibre.

Bientôt, les jambes de Chris apparaissent dans mon champ de vision. Je ne pensais pas qu'il s'approcherait.

Il fait bien plus que cela.

Doucement, il me redresse le menton et plante son regard dans le mien. Il lit en moi comme dans un livre ouvert car il murmure :

— J'ai été con de penser que ça s'arrêterait à quelques coups comme ça. Tu me plais. Au-delà du physique. Alors, oui, notre chemin sera parsemé d'embuches mais je sens que l'on peut faire quelque chose de grand. J'ai envie de t'aider. J'ai envie d'être là pour toi. Alors, laisse-moi. Laisse-moi commencer avec l'amitié et... envisager la suite après ? 

Son regard ambré semble me supplier. C'est fou comme tout son corps me parle. Je sens ses doigts sur moi, son odeur qui m'entoure, son souffle proche de mon visage. Il suffirait que j'accepte, que je me penche pour sceller sa proposition d'un baiser.

Je le désire, moi aussi. Cette relation, qui me terrifie autant qu'elle me fait vibrer, je la veux.

— Je ne peux pas, murmuré-je.

Mais, qu'importe mes envies, mes problèmes se rappellent à moi. Chris ne peut pas être à mes côtés. Mon fardeau est trop lourd à porter, quand bien même on oublierait la lettre que je viens de recevoir. 

Je recule pour échapper à son toucher mais, désireuse de ne pas tout gâcher, je reprends rapidement.

— Je ne veux pas t'enfermer dans une relation qui sera compliquée. Il faut d'abord que je... me soigne. Que j'aille mieux. Ensuite, on en discutera. Ne commençons pas sur le mauvais pied, tu ne crois pas ?

Chris se détend lentement à ce que je dis. Ce n'est qu'à ce moment que je réalise à quel point je l'avais crispé en refusant. Il a dû croire que je ne voulais pas de lui, pas de son amitié. Peut-être que c'est ce que j'aurais dû dire. Le hic, c'est que je l'aurais regretté. Quelque chose me pousse vers Chris. Sinon, je ne l'aurais jamais appelé à la rescousse hier soir.

Je précise donc ma pensée jusqu'au bout : 

— On continuera de se voir à l'entraînement. Et on pourra toujours... se voir en tant qu'amis. Tu as raison. 

Cette fois, il sourit presque? 

— Je veux te soutenir. Vraiment.

Je ne sais ce qui le pousse à vouloir m'aider mais je ne vais pas le repousser. J'opine donc, avant de m'écarter encore un peu. Il est temps que nous mettions de la distance entre nous. Qu'importe la difficulté que ce sera, nous n'avons plus de temps à perdre si je veux que tout cela cesse. Et que rien n'arrive à personne.

✨

Booooooon ! On sent que j'ai envie de les faire souffrir encore un peu ? 👀 

Est-ce que Chris gagne peu à peu vos suffrages ? J'espère 😂 Son soutien vaut bien un peu d'amour de votre part, non ? 😂