Chapitre 1

89 8 10
                                    


La maison blanche s'étend devant moi, grande et majestueuse avec ses baies vitrées, sa grande porte noire et ses piliers. Elle a un charme fou, malgré son côté moderne. Pleine de vie.

Oui, pleine de vie.

Pourtant, quand je pose la main sur la poignée, une sensation particulière m'envahit petit à petit. C'est trop calme, aucun bruit à l'intérieur. Il y a pourtant toujours un air de musique ou bien les rires de ma sœur qui s'entendent depuis l'entrée.

Aujourd'hui, rien.

J'ouvre la porte et entre. La pièce est grande. Dans les tons blancs. Tout est à sa place. Les chaussures rangées contre le mur, les manteaux pendus, les vases remplis par d'imposants bouquets de fleurs.

Cependant, ce n'est pas comme d'habitude.

Sûrement à cause du sang qui s'étend sur le sol du salon.

La mare de couleur rouge me donne la nausée et je me tourne vers les canapés pour ne plus la voir. Dommage, c'est là que repose le corps de mon père, adossé au canapé, auparavant blanc lui aussi. Immaculé.

Du sang, il y en a partout. Sur le tapis, le long du sofa. Sur le torse de mon père.

Un cri déchire l'air. 

Non pas un, plusieurs. 

Et ils proviennent de moi, sans même que je me sois rendu compte que j'ouvrais la bouche.

Je m'avance en courant jusqu'à lui pour le prendre dans mes bras. Cela me prend un temps fou, comme si j'étais empêchée d'avancer. Mes mouvements sont lents, mes muscles sont lourds. Que se passe-t-il ici ?

Le prénom de mon père retentit dans la maison. Je crois que je l'appelle. Peut-être lui demandé-je de revenir, de ne pas me laisser. Au fond, je n'en suis pas sûre. Ma gorge me semble obstruée par quelque chose. Un autre cri ?

Ce qui est étrange, c'est que j'arrive à parler. Je parviens à appeler ma mère. Ma sœur, également.

Sont-elles déjà rentrées ? Ont-elles trouvé papa dans cet état ? C'est égoïste mais j'espère que oui. Je ne veux pas être seule ici, avec lui. Je ne peux pas le supporter.

Alors, je crie. Encore. Toujours. Depuis combien de temps suis-je affalée par terre ? Pourquoi personne n'est là pour me venir en aide ? Il y a pourtant du bruit dans la maison. Une sorte de clapotement.

Comme un chat qui laperait quelque chose.

Sauf que nous n'en avons pas.

Suis-je en train de devenir folle ? En même temps, comment ne pas l'être, quand on tient le corps de son père dans ses bras ?

Oui, c'est ça.

C'est à cause de ce cadavre. Je dois le laisser. Je dois l'abandonner. Il faut que je trouve ma mère. Ma sœur. Il faut que...

Je me redresse, des larmes coulent le long de mes joues. Il m'est difficile de distinguer ce qui m'entoure mais je crois que je préfère. Cela m'empêche de voir l'évidence comme la longue trainée de sang sur le mur. Ou les traces de pieds ensanglantés dans l'escalier.

Non, à la place, je m'agrippe juste à la rambarde et grimpe. Grimpe. Grimpe.

Tout grince sous mon poids. Ou peut-être est-ce simplement mon esprit qui me joue encore des tours. J'ai comme un sifflement aux oreilles. Et encore ce bruit. Ce lapement désagréable. Un robinet ouvert ?

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant