Chapitre 38

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Je n'ai pas revu James depuis que nous nous sommes embrassés. Ce doit faire six ou sept jours peut-être. Dès que j'entends sa voix dans un couloir ou que je le vois approcher, je trouve un moyen pour me cacher. Je n'ose pas lui faire face, sûrement parce qu'en repensant à notre baiser, je n'éprouve que du dégoût.

Certes, ses lèvres étaient chaudes, plutôt douces et parfaitement dévorantes. Mais, rien que m'imaginer en train d'embrasser James me fait frémir d'horreur. Plus jamais je ne veux que cela se produise et j'espère qu'il voit les choses de la même manière.

Malheureusement, je n'en serai pas certaine avant de le confronter sur cette question. Ce pour quoi je ne suis pas prête.

Je préfère donc m'enfoncer la tête dans le travail, mouvementé ces derniers jours. Tout le monde est sur le pont car les élections ne sont plus qu'à quelques semaines. Il nous reste énormément à faire et peu de temps pour tout accomplir. Heureusement, tous les documents communicationnels sont partis. C'est déjà une chose en moins à faire : tous les habitants du pays doivent maintenant avoir reçu un flyer de James, ainsi que son programme.

La ligne d'arrivée approche, c'est ce sur quoi je me focalise maintenant.

Ça et dénicher un recoin pour me cacher et travailler dans le silence.

Lucas se trouve autour de la grande table qui occupe le centre de la pièce. Il est debout, penché au-dessus d'une tonne de dossiers, tandis que Kate tape furieusement sur les touches de son ordinateur, les sourcils froncés et le regard fixe. On la croirait presque en apnée.

Je fais un tour sur moi-même, cherchant Drizzle mais je ne la vois nulle part. Elle était pourtant là quand je suis arrivée ce matin. Où est-elle passée ?

Comme pour me répondre, le bruit sec de talons qui claquent sur le sol résonne dans le couloir.

Des voix tenues, une discussion où les politesses semblent se répondre et Drizzle apparait enfin à la porte. Elle est accompagnée d'un homme, d'à peu près 55 ans, aux cheveux poivre et sel. Il n'est pas très grand et sa façon de se tenir ne l'agrandit pas non plus, comme s'il manquait de confiance en lui.

Je m'avance vers eux, prête à me présenter mais l'air angélique de Drizzle m'arrête.

— Syntara, je vous présente Marco Rivera. Marco, voici Syntara Daleray.

Troublée par l'identité de l'homme, je le fixe et ouvre la bouche pour parler. Rien ne sort. J'ai les lèvres sèches, le souffle coupé. Comment se fait-il qu'elle sache ? A-t-elle écouté aux portes quand James et moi parlions de ma famille ? S'est-elle renseignée sur moi, pour venger ses secrets dévoilés ?

Lorsque je sens la panique monter en moi, je respire profondément, tend la main vers Marco. Il la saisit, aussi mal à l'aise que moi de se trouver ici. 

C'est bien... La conversation risque d'aller loin, comme ça...

— Enchantée.

Et avec ça aussi, tiens.

Je me retiens tout juste de secouer la tête face à mon manque de conversation et agite la main vers la table au centre de la pièce, que Lucas s'empresse de dégager.

Tout le monde semble sonné par la présence de Rivera ici. Tout le monde, sauf Drizzle qui se réjouit encore du tour qu'elle vient de jouer.

Quand comprendra-t-elle que blesser les autres n'est pas la solution ?

Sûrement jamais, vu l'air ravi qu'elle affiche depuis son arrivée.

— Alors Monsieur Rivera, que faites-vous ici ?

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant