Chapitre 16

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Les dernières étoiles sont encore dans le ciel pale lorsque je me lève ce matin. Il est tôt, trop tôt même, mais je ne peux plus dormir. Le ciel est magnifique sous mes yeux. Un mélange de rose et d'orange, de longues trainées blanches, et le soleil qui commence tout juste à faire son ascension dans le ciel.

J'attrape un vieux t-shirt qui traine dans un coin de ma penderie, enfile mon legging noir, mes baskets d'un rose pétant particulièrement reconnaissable, pour que l'on me voie de loin.

Je souris à cette pensée, me rappelant les paroles de ma mère lorsqu'elle me les avait achetées. « Tu crois vraiment que c'est une couleur convenable pour une jeune fille de notre famille ? Parce que, tu sais chérie, nous sommes importants dans cette ville, notre image doit être parfaite. » Elle avait continué comme cela pendant encore vingt minutes et j'avais dû les lui arracher des mains et la tirer jusqu'aux caisses du magasin pour qu'elle finisse par me les acheter.

L'air est déjà lourd de chaleur lorsque je mets le premier pied dehors. Cette journée risque d'être une des plus chaudes de l'année, ce qui annonce donc une véritable horreur. Il n'est que 5 heures du matin et on étouffe déjà !

Vissant mes écouteurs dans mes oreilles dans l'espoir de faire partir mon mal de tête, je choisis ma playlist de sport, avec des chansons plus entrainantes les unes que les autres, puis commence par de petites foulées jusqu'au grand portail de fer forgé.

La rue est déserte. Aucune voiture, aucun voisin, personne.

Je cours doucement pour commencer, focalisant mon attention sur la musique qui bourdonne à mes oreilles et qui emplit mon crane petit à petit. Respire par la bouche, Syntara, pas par le nez mais par la bouche. Calme tes battements de cœur, emplis tes poumons d'air et régule ton rythme pour ne pas être mal trop rapidement.

Depuis que je me suis évanouie durant mon premier entrainement avec Chris, je cours chaque jour pour me réhabituer peu à peu à ce genre d'exercice. Il paraitrait que ces choses-là ne s'oublient pas, comme le vélo. Que c'est très simple d'en refaire, même après des années d'arrêt.

Chaque dimanche, j'allais courir avec mon père et chaque mercredi, il m'emmenait nager. Nous nous étions arrêtés sans véritable raison, sauf peut-être ma vie sociale fleurissante. Je n'y avais pas prêté attention à cette époque mais maintenant, je regrette énormément. Pas parce que je ne suis plus en forme physiquement mais parce que j'avais sacrifié des moments précieux avec lui.

Perdue dans mes pensées, je ne réalise que maintenant à quel point je suis loin de chez moi. Je suis entourée d'arbres, tous plus grands les uns que les autres, l'air ici est plus respirable qu'en ville. J'ai dû m'enfoncer dans la forêt sans y prêter attention.

Ralentissant légèrement, je me mets à faire le point dans ma tête pour m'évaluer rapidement. Je n'ai mal nulle part, ou peut-être légèrement au niveau des côtes mais ce n'est rien d'alarmant. Ma respiration est quelque peu haletante mais je ne suis pas au bord de la crise d'asthme et je sais que je peux encore tenir une bonne demi-heure à cette allure-là.

La chanson qui passe sur mon portable me redonne un regain d'énergie et me fait accélérer.

L'air emplit ma tête et je m'entends de loin le fredonner. Soudain, les paroles jaillissent de ma bouche et je ne peux m'empêcher de me trémousser en m'arrêtant de courir. Je suis, d'un coup, beaucoup plus essoufflée mais je n'en ai pas grand-chose à faire.

Débranchant mes écouteurs de mon téléphone, je laisse la musique envahir les bois et commence à chanter à tue-tête. C'est un moment rien qu'à moi.

Je suis tellement concentrée sur la chanson que je n'entends pas les pas qui se rapprochent. Des mains se posent sur mes hanches et me font pivoter. Bientôt, je me retrouve contre un torse musclé, sans que je m'y sois attendue.

Un hoquet de surprise m'échappe, mon téléphone aussi. Il atterrit par terre dans un grand fracas, la musique saute un peu avant de reprendre normalement. En moi, la panique fait grimper mon rythme cardiaque, alors que je cherche à me libérer. Ce n'est qu'après plusieurs secondes à me débattre que je le reconnais.

— Synt, c'est moi ! Calme-toi ! 

Le regard mordoré qui me fixe me fait chavirer et plus aucune pensée ne perce le nuage de plaisir qui embrume mon esprit. Chris, incapable de comprendre ce qu'il m'a fait éprouver, hésite à bouger mais finit par déposer un baiser sur mes lèvres, après avoir obtenu mon accord. Baiser auquel je réponds sans une seule hésitation. Ses mains glissent sous mes fesses et finissent sur l'arrière de mes cuisses afin de me soulever de terre.

M'agrippant à sa nuque et collant mon corps contre le sien, je le laisse me porter jusqu'à l'arbre le plus proche afin qu'il m'y dépose. Apparemment, nous aimons bien nous plaquer contre des surfaces verticales...

— Qu'est-ce que tu fais là, Chris ?

Il me sourit, presse de nouveau sa bouche contre le mienne puis dépose des baisers sur l'arête de mon menton et dans le creux de mon oreille, à la naissance de mes cheveux.

— Je courais et, lorsque je t'ai vue, je me suis dit que je pouvais essayer un autre sport...

Un surprenant éclat de rire m'échappe. Sa proposition est plus que tentante et, si je n'avais pas imaginé la présence d'un agresseur, j'aurais sûrement accepté. Pour le moment, je pose simplement mes mains contre son torse et respire son odeur si particulière. Un mélange sucré de fruits, de crème solaire, d'iode et de chaleur. Le parfum de l'été, du bonheur, de l'insouciance.

J'ai appris à le reconnaître, depuis que nous nous côtoyons. Car, bien sûr, mon désir de départ consistant à le repousser n'a pas tenu longtemps. Je dirais même qu'elle a fondu comme neige au soleil, après le troisième cours d'auto-défense.

En revanche, ma règle de ne pas tomber amoureuse est toujours là et je ne compte pas la laisser tomber de sitôt. Je desserre donc la pression de mes jambes autour de son bassin et repose mes pieds par terre.

— Tu as pris la confiance, en à peine deux mois, Chris. Ça ne va pas !

Cette entrevue n'aura lieu que lorsque je l'aurai décidé. La spontanéité, c'est sympa mais je ne compte pas lui donner l'occasion de décider à ma place. Notre « relation » se fait avec mes conditions.

— Il faut que je rentre me changer, le travail m'attend. Désolée Chris mais ce sera pour une autre fois. De toute façon, on se voit ce soir.

Tout en disant cela, je me penche pour récupérer mon portable plein de terre. Il ne semble pas abimé mais je préfère vérifier plusieurs fois avant de le ranger dans ma poche. Je l'ai à peine fait que Chris prend mon visage en coupe. Puis, après un dernier baiser, il me relâche et murmure :

— A ce soir. Entraînement au gymnase et étirements, chez moi, après.

Nous nous séparons, sans noter l'ombre qui nous observe.

Et bienvenue à l'ombre... 😱 Tu penses que c'est un personnage qu'on connaît déjà ? 

Comme toujours, si tu veux qu'on en discute en dehors des commentaires ici, c'est juste là :

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