Chapitre 37

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— Viens avec moi, au lieu de rester plantée là.

James ne s'est même pas retourné. Il me parle tout en fixant la télévision allumée. Sa phrase est sans appel, et je ne pense même pas qu'il s'en aperçoive. La peine est plus grande que tout, en lui.

Je décide de passer outre et m'avance jusqu'au salon, semant mes affaires dans différents coins de la maison. Ma veste sur le porte-manteau, mon sac sur la table à manger, mes chaussures au pied du canapé. Je glisse mes jambes sous moi, cherchant ma chaleur corporelle autant que le confort de la position.

Devant nous, une série à l'eau de rose, où deux personnes se déclarent leur flamme de la plus ridicule des manières.

« Tu sais, John, tu as toujours été le premier dans mon cœur. Il n'y a personne qui te surpasse, pas même Estelle. » « Oh, Ariane, tu ne peux pas savoir comme tes mots me comblent. Ils sont si beaux, si doux. »

J'aimerais pouffer mais, la seule chose à laquelle cette scène me ramène est Chris. Moi aussi, j'aimerais lui confier que mon cœur lui appartient. Que personne ne le surpasse, car il est le premier dans mon esprit.

Romantique n'est pas un terme qui me décrive mais, avec lui, je le deviendrais presque.

— L'amour, c'est qu'un ramassis de conneries.

Je ne l'avais pas remarqué mais James tient un verre plus gros que sa tête et le sirote trop rapidement pour rester lucide. Je devrais l'arrêter mais la motivation me manque. De toute façon, je ne peux pas dire grand-chose à mon Président. S'il a envie de se torcher, il en a l'autorisation.

Techniquement, je l'aurais aussi. D'ailleurs, j'en suis très tentée. Je suis sûre que James doit avoir une belle collection d'alcools plus précieux les uns que les autres. Je pourrais en prendre un petit peu, histoire de goûter. De mourir moins bête, en découvrant un nouveau scotch ou de...

— Tu t'es pas servie ? Mais vas-yyyyyy. Fais-le. Je me sentirai moins seul.

Et il finit cul sec.

Il me tend son verre, sûrement pour que je le remplisse en allant chercher le mien. Rien qu'avec ce geste, il me convainc. Je secoue la tête et souffle :

— Je vais passer l'invitation à boire mais je reste avec toi. Ne bouge pas, d'accord ?

Le reste de la soirée, je la passe à m'occuper de lui. Nous enchainons les épisodes de la série, comme si nous pouvions comprendre quoique ce soit à l'intrigue, alors que nous n'en avons pas suivi le début. On mange à peine, il boit beaucoup. Sa tête vient reposer contre mon épaule, je m'appuie un peu sur lui également.

Ma présence est si naturelle à ses côtés que je ne suis même pas choquée lorsque ses doigts se posent sur ma cuisse. Il doit être tard car les lumières des autres immeubles sont éteintes. Je devrais rentrer chez moi mais, au lieu de bouger, je m'avachis un peu plus dans le canapé. Il est si confortable en même temps.

— Drizzle ne l'aimait pas. Elle le trouvait trop mou.

— Elle a pas de goût, cette meuf.

On rit. James approuve vivement du menton et attrape la bouteille, à laquelle il boit au goulot depuis maintenant une demi-heure. Ses cheveux sont en bataille, ses vêtements froissés. Je ne l'ai jamais vu comme ça.

Je baille pour la énième fois et, dans un moment de confusion, je murmure :

— Franchement, je t'aurais pas largué, moi. T'es beau, riche et intelligent. Et ton canap est super.

Je laisse tomber ma main sur son épaule en disant cela. Mes doigts se perdent dans les mèches de sa nuque, peu de temps après. J'adore jouer avec. Il y a quelque chose de satisfaisant, à caresser quelque chose d'aussi doux. D'électrisant aussi, à voir la peau de son cou se couvrir de chair de poule.

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant